- Berlin (Allemagne), correspondance
La Max-Brauer-Allee à Hambourg est l’une des rues les plus polluées d’Allemagne. Dans cette grande artère du centre-ville, le trafic est dense et l’air chargé. La concentration en dioxyde d’azote s’élève en moyenne à 58 microgrammes par m3, bien au-delà des 40 microgrammes autorisés par l’Union européenne. Le coupable de cette pollution est bien connu, notamment depuis le scandale de la fraude aux émissions polluantes : le moteur diesel. La coalition sociale-démocrate et écologiste qui dirige la ville a donc décidé d’y interdire dès 2018 la circulation des véhicules diesel antérieurs à la dernière norme Euro6, supposément moins polluants. Une seconde rue sera interdite d’accès aux camions diesel.
Selon la presse locale, plus de 70 % des véhicules diesel immatriculés dans la cité hanséatique seraient concernés. La mesure n’est pas populaire, mais les autorités ne voient pas d’alternative. « En tant que ville, nous sommes responsables de la qualité de l’air, explique Jan Dube, porte-parole des autorités environnementales de Hambourg. Comme l’industrie automobile a mis sur le marché des véhicules diesel dont les émissions sont bien plus élevées en conditions de circulation normales qu’en laboratoire, il est difficile pour nous de respecter les normes. S’il n’y avait pas eu de fraude, nous les respecterions déjà quasiment partout dans la ville. »
Contraindre les villes à prendre des mesures radicales
Hambourg n’est pas une exception. D’autres grandes villes allemandes, comme Stuttgart, Munich ou encore Düsseldorf, ont annoncé leur intention de restreindre la circulation des véhicules roulant au gazole, dès que le tribunal administratif fédéral aura donné son ultime feu vert. Ces interdictions seraient une victoire pour les associations environnementales, qui se sont lancées dans un vaste combat judiciaire pour contraindre les villes à prendre des mesures radicales.
Tous les jugements prononcés ces derniers mois leur donnent raison, considérant que l’interdiction pure et simple est le seul moyen de faire respecter les normes européennes de qualité de l’air. La pollution aux NOx (monoxyde et dioxyde d’azote) serait à l’origine de 10.000 morts prématurées en Europe chaque année, dont la moitié serait imputable aux moteurs truqués. « La préservation de la santé publique est plus importante que le droit de propriété et la liberté des propriétaires de voitures concernés par cette interdiction », estimait fin juillet le président du tribunal administratif de Stuttgart, Wolfgang Kern.
Ces annonces ont fait l’effet d’une bombe en pleine campagne pour les élections législatives. Paniqués de ne plus pouvoir circuler librement, les Allemands se détournent soudainement du diesel. La part des ventes de voitures particulières neuves roulant au gazole a chuté de 30 % en août par rapport à l’an dernier. Selon ZDK, l’association des concessionnaires allemands, 300.000 voitures équipées de moteur Euro 5 seraient invendues.
La « chancelière de l’automobile »
Le pays de Volkswagen, BMW, Opel, Porsche & co est en pleine crise existentielle. À la traine sur l’électrique, les constructeurs allemands assurent qu’ils ont besoin du moteur diesel pour tenir les objectifs européens de réduction d’émissions de CO2. Mais après la mascarade du premier sommet sur l’avenir du diesel début août, Angela Merkel se voit accusée de protéger les intérêts des fabricants au détriment des consommateurs. Sur la défensive, la chancelière ménage la chèvre et le chou. D’un côté, elle a sermonné publiquement les constructeurs lors du salon de l’Automobile de Francfort la semaine dernière et programmé un deuxième sommet pour l’après-élection, dès le mois de novembre.
- Des militants de Greenpeace manifestant lors du premier sommet du diesel le 2 août 2017, en Allemagne.
Mais de l’autre, la conservatrice affirme également qu’elle fera « tout pour éviter les interdictions de circulation », annonçant la mise en place d’un fonds d’un milliard d’euros pour aider les villes à améliorer la qualité de l’air et à développer des infrastructures propres. La « chancelière de l’automobile » ne veut pas porter atteinte à l’industrie fleuron du « Made in Germany », pourvoyeuse de 830.000 emplois directs en Allemagne.
Le sujet sera certainement l’un des plus épineux des futures négociations de coalition : longtemps pressentis pour entrer au gouvernement, les Verts ont fait de la fin des moteurs à combustion — essence et diesel — l’une des conditions de leur participation. Les sociaux démocrates du SPD sont plus proches de la ligne Merkel, soutenant le développement du « diesel propre », quand les libéraux du FDP remettent en cause le bien-fondé même des normes de qualité de l’air.
Quelle qu’elle soit, la future coalition gouvernementale devra compter sur la détermination des ONG allemandes. En tête de la fronde, la Deutsche Umwelthilfe (DUH) a d’ores et déjà annoncé qu’elle portait plainte contre 62 villes pour non-respect des normes de qualité de l’air. Et espère ainsi signer la fin du moteur inventé en 1897 par… l’ingénieur allemand Rudolf Diesel.
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Photos :DR sauf :
. chapô : La chancelière Angela Merkel et une voiture électrique du constructeur allemand Volkswagen en 2013. Wikimedia (RudolfSimon/CCBY-SA 3.0)
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