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Pourquoi STMicroelectronics a eu raison de se recentrer sur l ...

Vêtus de bleu, les techniciens déambulent dans l'immense usine, où circule un air 10 000 fois plus contrôlé que celui d'un bloc opératoire. Ils se relaient pour surveiller, 24 heures sur 24, le complexe processus de fabrication de puces. " Il faut 400 étapes et deux à trois mois pour réaliser un produit ", explique Claude Morant, directeur des opérations de Crolles. Bienvenue chez STMicroelectronics, l'un des trois rescapés européens de l'industrie des semi-conducteurs. Près de Grenoble, Crolles 300, l'usine la plus moderne du groupe, tourne à pleine cadence.

Une accélération qui traduit la santé retrouvée de l'industriel : ses puces se nichent dans quantité d'objets, de l'iPhone d'Apple à la Switch de Nintendo en passant par des lave-linge Bosch et l'Audi A8. En hausse de 20 % sur un an, le chiffre d'affaires a renoué en 2017 avec les 8 milliards de dollars, les bénéfices ont quadruplé, les usines sont occupées à 95 %. " L'usine saturée, cela veut dire que STMicro peut tenir tout le spectre, de la R&D à la fabrication, et répondre aux marchés les plus porteurs ", se réjouit Geneviève Fioraso, l'ancienne ministre de l'Enseignement supérieur, très impliquée dans la filière des semi-conducteurs.

Triple choc

STMicroelectronics revient pourtant de loin. En 2010, cet " Airbus de la puce " issu de la fusion en 1987 des divisions semi-conducteurs du français Thomson et de l'italien SGS, subit un triple choc. " Le dollar fort, la crise économique et l'effondrement de Nokia en 2011-2012 ", résume Carlo Bozotti, le directeur général. Le troisième est le plus rude : le constructeur finlandais a représenté jusqu'à 18 % des ventes de l'industriel. Résultat, le chiffre d'affaires s'effondre de 30 % entre 2011 et 2015 et les pertes se creusent. Panique dans les ministères. En juin 2015, une note confidentielle adressée à Alexis Kohler, alors directeur de cabinet d'Emmanuel Macron à Bercy, s'inquiète d'une situation qui " conduit ST à sa perte, et avec elle tout l'écosystème grenoblois ".

Le scénario noir n'aura pas lieu : début 2016, un énorme contrat avec Apple - jamais confirmé par STMicroelectronics - apporte un ballon d'oxygène. Le fabricant récolte les fruits du plan stratégique écrit en 2012. Le recentrage commence par des décisions douloureuses.

D'abord, la dissolution en 2013 de la filiale commune avec Ericsson, ST-Ericsson : créée en 2009 pour fabriquer des puces pour mobiles, elle travaillait essentiellement pour Nokia et Blackberry, les perdants de la bataille du smartphone. Puis le retrait, annoncé en janvier 2016, du marché des décodeurs numériques, une activité chroniquement déficitaire. " Nous avions un problème de taille critique ", reconnaît Jean-Marc Chéry, le directeur général désigné pour succéder à Carlo Bozotti. Adieu produits de masse, place à la différenciation, notamment dans deux grands marchés : la voiture et les objets connectés.

Double boom

Dans l'automobile, l'industriel surfe sur deux tendances : l'électrification du véhicule et la voiture autonome. Il fournit ainsi plus de 1 000 composants pour l'Audi A8. Misant sur des technologies de pointe comme le carbure de silicium, le constructeur, qui détient déjà 9 % du marché, renforce ses positions. Ses ventes dans l'automobile (2,4 milliards de dollars) ont grimpé de 10 % en 2017, quand le reste du marché évoluait de 6,7 %. " Dans l'automobile, les barrières à l'entrée sont plus élevées qu'ailleurs, un avantage concurrentiel pour STMicroelectronics ", observe Dorian Terral, analyste chez Bryan Garnier. Dernière bonne nouvelle : les constructeurs automobiles - contrairement aux géants de l'électronique, soumis à des cycles très courts - signent pour dix ans.

Second grand marché de l’industriel, l’Internet des objets est lui aussi porté par un boom de la demande. Il maîtrise un savoir-faire historique dans les capteurs et les microcontrôleurs, qui équipent tous les objets connectés. Mais, là encore, il s’est spécialisé. « Auparavant, nous fournissions le module caméra d’un smartphone. Aujourd’hui, nous nous concentrons sur les capteurs d’images spécialisés », explique Jean-Marc Chéry. Seul à maîtriser la technologie du « time of flight », utilisée pour la reconnaissance faciale, le fabricant fournit à Apple la caméra 3D de l’iPhone X - comme le prouve le « désossage » de l’appareil. Quant aux microcontrôleurs, le « cerveau » d’un objet connecté, ils assurent 32 % des ventes. En croissance de 36 %, l’activité assure des revenus stables avec 50 000 clients.

Pour répondre à ses différents marchés, STMicroelectronics a tranché : tandis que le modèle sans usines s’imposait chez les concurrents, le fabricant a conservé ses sites. « Nous avons fait le choix de protéger l’ensemble de nos unités de production », souligne Bozotti. « Avoir la fabrication et la R&D au même endroit présente une grande valeur », complète Chéry. Un choix qui a exigé des reconversions massives. Ainsi, les 2 000 ingénieurs de Grenoble, spécialistes du numérique, se sont reconvertis en experts ès objets connectés. STMicro se voit de nouveau dans la cour des grands. « Notre ambition est d’arriver très vite à 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires pour être dans le Top-5 », affirme Jean-Marc Chéry. La route sera longue : le groupe est sorti du Top-10 mondial en 2015.

 

Un ingénieur maison bientôt aux commandes

Après l’assemblée générale de mai, le directeur général Carlo Bozotti quittera le groupe, où il a passé trente ans, pour laisser son fauteuil à son numéro deux, Jean-Marc Chéry.

Celui-ci incarne une vision industrielle de l’entreprise. Entré en 1986 chez Thomson Semiconducteurs (devenu STMicroelectronics en 1987), cet ingénieur a exploré en effet toutes les facettes des opérations industrielles : patron d’usine à Tours puis à Rousset, il a piloté l’Asie du Sud-Est - passant à Singapour « la plus belle période » de sa vie - avant d’être promu en 2014 responsable des opérations de tout le groupe. Après Singapour, il s’est installé avec sa famille en 2010 à Aix-en-Provence. Son profil rassure les partenaires sociaux. « C’est le choix interne qui nous satisfaisait le plus », affirme Jean-Marc Sovignet, délégué CFE-CGC.

SOURCE : SOCIÉTÉ

Le groupe vise 10 milliards de chiffre d’affaires rapidement.

Thomas Ciezar/SDP

Le pommeau de douche connecté Hydrao. La société, créée par des anciens de STMicro, utilise plusieurs de ses composants pour signaler la consommation d’eau.

SDP

L’iPhone X. L’industriel livre secrètement à Apple plusieurs éléments de la caméra 3D du smartphone.

SDPs

La Nintendo Switch. La console contient des capteurs et des micro-contrôleurs du fabricant.

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