La voiture n’est plus un objet consensuel. Deux études publiées simultanément viennent le confirmer et éclairent les fractures géographiques mais aussi générationnelles qui sous-tendent la grande controverse automobile. L’étude annuelle de l’Observatoire Cetelem de l’automobile, publiée le 3 décembre et menée auprès d’un échantillon de 10 000 personnes réparties dans quinze pays (à travers l’Europe mais aussi aux Etats-Unis, en Turquie, au Japon, en Chine, en Afrique du Sud et au Brésil) ne discerne pas de désamour. L’attachement à sa voiture est prononcé (plus de 80 %), davantage encore chez les 18-34 ans (84 %) que parmi les plus de 65 ans (79 %).
Les choses se gâtent lorsqu’il est question d’environnement. En Turquie, en Chine ou en Afrique du Sud, plus des trois quarts de la population désignent l’automobile comme le vecteur principal de la pollution. L’Espagne se montre elle aussi très en pointe, mais en France, cette opinion n’est partagée qu’à hauteur de 46 % (42 % en Allemagne) alors que la moyenne européenne se situe à 60 %. Globalement, les jeunes se disent deux fois plus préoccupés par la contribution de l’automobile au réchauffement climatique (63 %) que les plus âgés (30 %). L’écart apparaît encore plus flagrant entre ceux qui vivent dans des villes de plus d’un million d’habitants et les ruraux, moins sévères envers leur voiture, surtout en Europe. Autre trait révélateur : les ruraux à travers le monde sont de loin les plus favorables à une baisse de la fiscalité automobile afin d’améliorer le pouvoir d’achat.
Peugeot vs Renault, c’est fini
Publiée le 5 décembre, une autre étude, réalisée par l’IFOP pour Le Point auprès de 5 600 personnes, s’intéresse au rapport entre automobile et politique en France. Elle confirme que la principale ligne de fracture épouse le choix du carburant. Et qu’elle est de nature spatiale ; on fait bien plus souvent son plein en diesel en milieu rural, où l’on parcourt de plus longues distances. Cette préférence correspond à un vote plus prononcé en faveur des partis populistes, le Rassemblement national et dans une moindre mesure, la France insoumise. La même étude laisse entrevoir l’émergence d’un achat automobile « vert » dicté non pas seulement par les incitations fiscales et la possibilité de rouler moins cher mais par un engagement fondé sur des convictions environnementales.
L’IFOP évoque en particulier le cas de Toyota, pionnier des modèles hybrides, dont les acheteurs avouent un certain faible pour le macronisme – dont le profil électoral fait la part belle aux habitants des grandes villes plutôt aisés et sensibilisés aux questions d’environnement. Les conducteurs de modèles hybrides votent également de façon préférentielle, quoiqu’à un degré moindre, en faveur des candidats écologistes. La marque japonaise, en revanche, ne plaît guère aux partisans du vote antisystème. Ceux-ci se portent plutôt sur les Dacia (LFI) ou, s’agissant du Rassemblement national, sur les marques étrangères (Audi, Ford, Nissan).
Le blason Opel apparaît sureprésenté parmi les sympathisants de Jean-Luc Mélenchon comme chez ceux de Marine Le Pen. Cette convergence, estime l’IFOP, recouvre une réalité sociale : les clients de la marque allemande récemment intégrée dans le giron de PSA se recrutent surtout parmi les catégories socioprofessionnelles peu aisées. Tout comme les électeurs du RN et de LFI. Enfin, l’étude prend acte de l’obsolescence du clivage historique entre les conducteurs de Renault, rangés à gauche, et ceux préférant les Peugeot, plutôt à droite. Et note que l’on conduit un petit peu plus souvent une Renault qu’une Citroën ou une Peugeot parmi les partisans d’Emmanuel Macron.
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