Avec l’électrification accélérée des véhicules et l'émergence de nouvelles technologies, les compteurs seront-ils mis à zéro ? C’est en tout cas le souhait du Gouvernement français. Le président de la République, Emmanuel Macron, a dévoilé le 12 octobre 2021 les grandes lignes de son plan industriel « France 2030 », d'un montant de 30 milliards d'euros au total. Ce dernier vise à répondre au déficit de la croissance de la France et à développer les filières du futur comme l’hydrogène, les semi-conducteurs ou encore les batteries pour véhicules électriques. Son but étant de « faire émerger les champions de demain » face à la concurrence féroce de la Chine, mais aussi de l’Amérique, et d'en finir avec la vulnérabilité, la dépendance de l’Hexagone, décriée, vis-à-vis de l’étranger dans certains secteurs clés. Cette vulnérabilité et ce déclin implacables ont été démontrés dans l’étude publiée par l’institution France Stratégie (celle-ci est rattachée au Premier ministre), Localisation de la production automobile : enseignements sur l’attractivité et la compétitivité, publiée en septembre. Reflet de la « désindustrialisation française », le secteur automobile « est à l’origine de près de la moitié de la dégradation du solde des produits manufacturés depuis 2000 ».
Selon France Stratégie, ce n’est pas tant la compétitivité des constructeurs automobiles français qui est en cause, ces derniers ayant enregistré une hausse de leur production à l’étranger, mais davantage la perte d’attractivité du territoire national pour la localisation de la production automobile. Ainsi, les constructeurs français ont eu recours à la délocalisation pour approvisionner d’autres marchés, mais également le territoire national. Rappelons ainsi que la Renault Clio est fabriquée à Bursa (Turquie) et à Novo Mesto (Slovénie), pendant que la Peugeot 208 sort de l’usine du groupe située à Kénitra (Maroc).
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La France tombée au 5e rang dans le production de voitures
Le nombre de personnes employées dans la branche « industrie automobile » a été divisé par deux depuis l’an 2000 (jusqu’en 2018), tandis que la production de voitures a enregistré une baisse de 33 %, passant de 3,35 millions de voitures en 2000 à 2,3 millions en 2018. Selon les données de l’ACEA, ce sont 1,35 million de véhicules qui ont été fabriqués en France en 2020, ce qui positionne le pays au troisième rang des producteurs dans l’Union européenne (derrière l’Allemagne et l’Espagne). Si l’on isole les seules voitures particulières (861 660 unités en 2020), la France se place au cinquième rang, derrière l’Allemagne, l’Espagne, la République tchèque et la Slovaquie.
Un solde commercial déficitaire depuis 2008
La part de la production française en Europe a été divisée par deux, passant de 13,1 % de la production automobile européenne en 2000 à 6,7 % en 2016. Sur la même période, le poids des pays de l’Est a grimpé de 5,2 % à 16,5 %. « Le solde commercial des produits automobiles est devenu déficitaire à partir de 2008, avec un déficit supérieur à 10 milliards d’euros en 2018. Encore deuxième fabricant automobile de l’Union européenne en 2011 (en valeur), la France était en 2016 au cinquième rang derrière l’Italie (7,2 %), l’Espagne (7,4 %), le Royaume-Uni (8,2 %) et l’Allemagne (44,5 %). Et, contrairement à ces pays, elle n’a toujours pas retrouvé son niveau de production d’avant la crise de 2008 », relève France Stratégie. Au niveau mondial, la France est tombée au dixième rang des producteurs (en nombre de véhicules), désormais dépassée par le Brésil, le Mexique, la Corée-du-Sud et l’Inde.
Un coût du travail défavorable
Pour expliquer ces stratégies de localisation défavorables à la production automobile sur le sol français, deux facteurs sortent du lot de manière évidente. « Les facteurs de coût que sont le coût du travail et la fiscalité sur la production comme sur les sociétés pèsent négativement sur l’attractivité de la France en matière de production automobile. Ils expliquent quasiment l’intégralité de son déficit d’attractivité vis-à-vis du Royaume-Uni, de l’Espagne, de la République tchèque ou encore du Mexique. Ces facteurs sont également pénalisants par rapport à l’Allemagne, au Japon et aux États-Unis », soulève ainsi France Stratégie dans son étude. Et d’expliciter :« En France, les salaires dans l’industrie sont élevés en comparaison de ses partenaires européens : selon Eurostat, le coût horaire du travail dans l’industrie française s’élevait en 2019 à 39 euros, soit un niveau nettement supérieur à celui de l’Espagne (21 euros), de l’Italie, et plus généralement de la zone euro (34 euros), mais légèrement inférieur à celui de l’Allemagne (41 euros). Une autre source d’écarts de compétitivité provient des différences de fiscalité. Dans une note, Martin et Trannoy soulignent ainsi que les impôts de production ne représentent que 0,5 % de la valeur ajoutée en Allemagne contre 3,6 % en France, soit le plus haut niveau européen après la Grèce. Ils estiment que certains de ces impôts de production, notamment la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), sont particulièrement nocifs en raison des distorsions qu’ils engendrent tout au long de la chaîne de production. Par ailleurs, bien que n’actant pas les coûts de production, les impôts sur les bénéfices des sociétés ont démontré leur effet néfaste sur l’attractivité d’un pays ».
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Des infrastructures de qualité en France
L’influence de la productivité des entreprises et leur gouvernance, la taille du marché domestique, du niveau et de la qualité des infrastructures publiques, l’existence d’accords de libre échange ou, à l’inverse, de guerres commerciales constituent d’autres déterminants de la localisation de la production. La France n’est cependant pas dépourvue d’arguments vis-à-vis d’autres pays producteurs automobiles. Ainsi, la qualité des infrastructures constitue un atout pour l’attractivité de notre pays, par rapport à des États comme la Turquie ou le Mexique, et dans une bien moindre mesure vis-à-vis de pays au niveau de développement économique comparable comme le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne ou la Corée-du-Sud.
Les effets des réformes publiques sur la production auto
Dans son étude, France Stratégie s’est penchée sur quatre réformes publiques qui pourraient favoriser la production française de voitures. Seules les deux premières avaient été adoptées ou annoncées en septembre.- Une diminution du taux d’impôt sur les sociétés de 33 % en 2018 à 25 % comme prévu en 2022.
- Une diminution des impôts de production de 3,4 % à 2,1 % de la valeur ajoutée du secteur automobile.
- Une diminution du coût du travail de 3,4 % dans le secteur automobile, ce qui correspond aux 6 % de baisse des cotisations sociales du CICE en tenant compte du fait que 56 % de la masse salariale totale du secteur est inférieure à 2,5 Smic, la limite haute pour bénéficier de cet allègement.
- Une réforme permettant une augmentation des dépenses de R & D de Renault et Peugeot de 5 %. Cela conduirait à une amélioration de leur productivité de 9,8 % pour Renault et de 9,3 % pour Peugeot.
« La diminution des impôts de production conduirait à une augmentation de la production automobile française d’environ 68 000 unités, tandis qu’une hausse des dépenses de R & D de Renault et Peugeot de 5 % augmenterait la production en France d’environ 35 000 voitures. Enfin, une baisse de cotisations supplémentaire à hauteur de ce qui a déjà été réalisé par le CICE semble avoir un effet relativement modeste (12 000 véhicules) compte tenu du fait que l’industrie bénéficie relativement peu de la baisse des cotisations en raison des niveaux de salaires plus élevés ».
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Rouler vert et produire vert en France
La révolution du véhicule électrique et la montée en puissance de l’hydrogène décarboné constituent pour la France des opportunités de renforcer sa position dans l’industrie automobile en Europe et dans le monde. « Ce que nous ne voulons pas, nous, nation de l’automobile, c’est devenir la nation qui roulera le plus vert avec des voitures qui ne seront pas produites chez nous. Ça n’a aucun sens de faire ça », a ainsi martelé Emmanuel Macron. Après dix années de déclin, le pays s'est fixé neuf ans pour inverser la tendance. https://pro.largus.fr/actualites/industrie-automobile-pourquoi-la-france-a-perdu-son-rang-en-europe-10746403.htmlBagikan Berita Ini
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