
Faire de la crise une chance. Facile, la formule n’a jamais été aussi actuelle pour les constructeurs durement secoués par le choc sanitaire, les pénuries de composants, la récession, l’effondrement des marchés et le chambardement provoqué par la crise climatique et la guerre.
Pour Renault, pris dès 2018 dans la tourmente après la chute de Carlos Ghosn et le bras de fer avec Nissan, la crise sanitaire de début 2020 pouvait même s’avérer fatale. Le créateur d’automobiles de Billancourt, symbole de la voiture populaire à la française, allait-il disparaître ?
La conviction de Luca de Meo
Porté il y a deux ans à la tête du groupe, passé par Fiat, Audi, Seat, Luca de Meo est un homme de l’art. Sa conviction : Renault doit changer d’époque, d’organisation, de culture. Renoncer sans remords à ce qui a échoué. Propulser la marque dans le futur.
En Europe, ce futur s’appelle l’électrique, dont Renault fut pionnier avec Zoé. C’était il y a dix ans. La révolution est en marche. De quoi accouchera-t-elle ? Renault ne sera jamais un « petit » Tesla à la française. Ni un Stellantis qui, avec Peugeot, joue la carte de l’accès au premium. Encore moins un Volkswagen qui, après le dieselgate, a lourdement investi dans sa stratégie de modèles électriques et électrifiés, plus chers et plus rentables.
Produire moins mais gagner plus, c’est tout le sujet. Les modèles Renault, quand ils se vendent bien comme Clio ou Captur, ne produisent pas assez de cash pour financer les milliards qu’exige la grande mutation vers le zéro carbone. Changer de modèle ou péricliter malgré le soutien financier de l’État. Dès janvier 2021, le boss italien annonce la couleur : gamme entièrement nouvelle, design en rupture, innovation technique, modernisation et conversion des sites, digitalisation, formation des personnels, fin des rabais, tarifs en hausse… Un vrai chamboule-tout.
« La meilleure gamme depuis trente ans »
Tel Tavares à son arrivée chez PSA, De Meo fait le ménage dans les usines et les gammes. La crise climatique bouscule l’industrie. Les contraintes anti-CO2 de Bruxelles sont plus intransigeantes. Et la fin du thermique en Europe programmée pour 2035 ! Submergés par la vague SUV, desservis par un design daté, Scénic, Talisman, Espace, Kadjar passent de vie à trépas. Autre icône, la Twingo résiste… grâce au succès de sa version électrique. Quitte ou double ?
« Le cycle de produits qui arrive nous offrira la meilleure gamme de voitures depuis trente ans », prophétise le directeur général. La Megane E-Tech électrique (25 000 ventes en trois mois) réjouit Luca de Meo. La première compacte branchée du Losange, lancée bien avant son intronisation, incarne la grande mutation qui s’annonce et le savoir-faire de Renault. Plateforme spécifique, design en rupture, intérieur futuriste et de goût, matériaux recyclables de qualité : Mégane E-Tech n’a plus rien d’une Mégane traditionnelle. Zoé poursuit sa route jusqu’à l’arrivée de la R5 électrique.
Le retour de la R5
Réinterprétée, la mythique R5 fait partie des onze nouveaux modèles annoncés par De Meo d’ici à 2026. Une autre icône des années 60 suivra : la 4 L, attendue avec autant de curiosité. Sans compter le successeur du Scénic, au design sculpté, là encore en rupture. Quant aux futures Alpine, elles conserveront l’ADN de la marque, promet le patron de Renault. Le tout en électrique, cela va sans dire. Les Clio, Captur, Austral, les utilitaires thermiques équipés des technologies « f ll hybride » et hybrides rechargeables maison restent fidèles au poste.
Le thermique banni d’Europe, Renault, comme ses rivaux, ne peut faire l’impasse sur les véhicules essence et diesel qui continueront de rouler sur les marchés de la grande exportation. La précieuse filiale Dacia a carte blanche pour développer sa propre stratégie image et produits, entrer dans l’univers de l’électrification tout en cultivant son atout maître, un rapport prix prestations canon.
La fin des ristournes
Luca de Meo a aussi mis fin aux vieilles pratiques des ristournes pour doper les volumes face à Peugeot, notamment. Le prix moyen de ses voitures a augmenté, comme chez la concurrence. Qu’en diront les automobilistes dès lors que l’électrique est bien plus chère que son équivalent thermique ? C’est vrai à l’achat, pas à l’usage, corrige de Meo. Les amateurs de zéro émission privilégient pour le moment les formules de location. Ses voitures ayant plus de valeur, le dirigeant se convainc que « le client devra payer sa voiture au prix correspondant » et donc qu’il le fera…
Le défi est crucial pour Renault qui a encaissé un troisième choc historique en se retirant de Russie, son deuxième marché après l’Europe. Conséquence de l’invasion de l’Ukraine, le groupe a cédé (pour le rouble symbolique) sa participation de 67,69 % dans Avtovaz, le fabricant des Lada. Bilan : 400 000 voitures en moins et une perte nette comptable de 2,3 milliards.
Dans la colonne plus, la marge opérationnelle dépasse 5 %. C’est plus de deux fois inférieur à Stellantis. Mais, malgré un marché en berne, malgré une perte de production de 300 000 véhicules due à la pénurie de semi-conducteurs, la dynamique et les profits sont donc de retour. Pour Renault qu’on croyait perdu, c’est tout sauf anecdotique.
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