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La guerre à l'automobile n'est pas une guerre - L’actualité

J’ai croisé récemment sur une piste cyclable une voiture. Ce n’est pas aussi commun que des monsieurs qui se promènent les pectoraux à l’air sur des vélos électriques, mais ça arrive. Il s’avère que quelqu’un était derrière le volant de cette voiture. On oublie souvent que des gens conduisent les voitures. Dans les journaux, on lit régulièrement des manchettes comme celles-ci : « Une piétonne happée mortellement par un véhicule à Ottawa » ou « Une fillette de 2 ans en poussette happée mortellement par un véhicule à Montréal-Nord ». Comme si c’était la faute du véhicule et non pas de son conducteur. Je ne suis pas le seul à avoir l’impression qu’on déresponsabilise les humains derrière les volants en présentant les choses sous cet angle. 

Bref, j’ai croisé une personne qui avait stationné son véhicule en plein milieu de la piste cyclable et qui ne se formalisait pas du tout de voir des humains au guidon de leur vélo devoir faire un détour pendant qu’elle discutait de la pluie et du beau temps avec une autre personne sur le siège passager de sa BMW. Je précise la marque de la voiture parce qu’une étude publiée dans les Proceedings of the National Academy of Sciences a récemment déterminé que les conducteurs de voitures de luxe étaient beaucoup plus portés que les autres à désobéir au Code de la route. Ils sont notamment plus nombreux à ne pas céder la voie aux gens à pied sur les passages piétons. Il est bien possible que ce soit aussi vrai pour les vélos, même si l’étude n’en parle pas.

C’est comme si pendant des décennies, les automobilistes avaient tellement affermi leur emprise sur la ville qu’ils ont l’impression que tout leur est permis. Des chroniqueurs et certains ministres qualifient parfois de guerre à l’automobile ce qui menace cette mainmise. En mars dernier, le ministre Éric Caire l’évoquait ainsi : « Le maire de Québec dit qu’il ne veut pas faire une guerre à l’automobile, qu’il le prouve et qu’il arrête de polluer l’existence des conducteurs avec des projets comme ça ! » Il parlait du projet de tramway à Québec. Il s’est excusé par la suite pour l’animosité que suscitaient ses propos. Difficile de juger si ces excuses ont été faites « à l’insu de son plein gré ». 

L’occupation de la ville par les automobiles est bien réelle et chaque atteinte à cette réalité est présentée comme une attaque. Pourtant, ce sont les automobiles qui ont envahi les villes au courant du siècle dernier, au détriment des cyclistes et des piétons. Et ce sont les pistes cyclables qui font gagner les élections municipales, comme on a pu le constater dans différentes villes du monde. C’est peut-être aussi ce qui s’est passé à Montréal. On voyait à la télé des gens se plaindre du Réseau express vélo, mais Projet Montréal a été réélu et ces voies attirent de plus en plus de cyclistes.

Mais les médias accordent plus souvent la parole à ceux qui s’opposent à de nouveaux aménagements urbains qu’à ceux qui sont d’accord avec ceux-ci, donnant l’impression que la grogne est généralisée. Au sujet des réactions négatives à l’annonce de nouveaux aménagements cyclables, les Anglais parlent de « bikelash » (je n’ai pas trouvé un aussi bon jeu de mots en français, désolé). 

Le discours ambiant est ainsi propulsé par cette propension à donner la parole aux gens qui abhorrent un projet. Dans le cas de l’automobile, on trouve aussi dans les médias des animateurs ou chroniqueurs qui ont les moyens de s’offrir de belles voitures et qui aimeraient bien ne pas mettre trop de temps à dénicher une place de stationnement lorsqu’ils quittent leur McMansion pour venir en ville. C’est une caricature. Comme les unicyclistes d’hiver en poncho, ces personnes existent, mais elles ne sont pas majoritaires. Malheureusement, on n’entend pas beaucoup les gens entre les deux. L’indignation est toujours plus payante.

Détrompez-vous toutefois. Je ne suis pas contre les voitures, au contraire. Je viens d’une famille de concessionnaires automobiles (c’est mon moment « je ne suis pas raciste, j’ai un ami noir »). Je suis moi-même automobiliste. J’en ai seulement contre le discours médiatique autour de la voiture. Ce langage belliqueux où l’on met sur le dos de la guerre chaque initiative, même si elle ne vise qu’une meilleure cohabitation, un meilleur équilibre.

Il est très difficile de changer ce paradigme (oui, j’ai écrit « paradigme »). De faire évoluer le message pour calmer les esprits et pour que les gens qui écoutent un chroniqueur parler de guerre à l’automobile pendant qu’ils sont pris dans la congestion aient moins envie d’aller se stationner sur une piste cyclable. Respirons un peu, et si possible, loin des pots d’échappement.

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https://lactualite.com/societe/la-guerre-a-lautomobile-nest-pas-une-guerre/

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