
Alors que l'interdiction des ventes de véhicules thermiques neufs après 2035 vient d'être votée, seulement 27% des Français déclarent vouloir acheter une voiture électrique, soit 5% de moins que l'année dernière. C'est ce que révèle une étude de l'Observatoire des mobilités et de Sixt publiée le 11 avril, portant cette année autour du véhicule électrique.
« Le chemin est encore long pour lever les barrières psychologiques et pratiques à cet achat », affirme Jean-Philippe Doyen, président de Sixt Europe du Sud et de l'Ouest.
Outre les inquiétudes autour de l'autonomie et des bornes de recharges, le premier frein reste à ce jour le coût des voitures électriques.
En effet, près de 73% d'entre eux estiment qu'un prix moins élevé pourrait les inciter à passer à l'électrique, soit 5% de plus que l'année dernière. Pourtant, le gouvernement a appliqué des aides à l'achat de voitures électriques neuves de 5.000 euros et allant jusqu'à 7.000 euros pour les ménages dont le revenu est inférieur ou égal à 14.089 euros. Mais cela reste insuffisant selon l'étude qui demande un renforcement des aides gouvernementales.
La subvention, passage obligatoire pour changer l'écosystème
« Sur la seule force du marché actuel, vous n'avez aucune raison d'aller vers l'électrique », affirme Julien Pillot, économiste et enseignant-chercheur à l'INSEEC. L'industrie automobile s'est structurée autour du moteur thermique durant plusieurs décennies, créant un écosystème rentable et compétitif. Désormais, si l'on veut changer l'ensemble de l'écosystème, il est nécessaire de subventionner à tous les niveaux, estime-t-il.
En France, pour effectuer cette bascule du thermique vers l'électrique, le choix s'est porté sur trois points : une subvention à l'achat d'un véhicule neuf, des aides aux entreprises qui développent les bornes de recharge et des restrictions attribuées aux constructeurs automobiles sur la quantité d'émissions de CO2.
D'autres pays ont fait des choix plus radicaux. C'est le cas de la Chine, qui a choisi d'imposer des quotas de production de voitures électriques aux constructeurs sous peine de se voir refuser la commercialisation de la totalité de leur flotte et de subventionner massivement. Résultat : 20% des ventes de voitures neuves sont électriques en 2023 et ce, même si la Chine a supprimé ces subventions à fin 2022.
Jusqu'à quand subventionner ?
En France, il n'est pour le moment pas question de supprimer ces subventions. L'Etat a déjà alloué 700 millions d'euros dans les aides au véhicule neuf. Le gouvernement a également évoqué l'idée d'un « leasing social » dès 2024 avec une offre à 100 euros par mois. Un projet estimé à 30 millions d'euros pour 10.000 voitures attendues.
Une question se pose alors : ces aides peuvent-elles perdurer ad vitam aeternam ? D'un point de vue économique, tant qu'il sera plus coûteux sur le plan industriel de produire un véhicule électrique qu'un véhicule thermique, les subventions peuvent se justifier. « Certaines études prévoient une bascule entre 2027 et 2030 », affirme Julien Pillot, soit au moment où le système devrait être suffisamment mature pour diminuer les coûts de production de l'électrique. Ces études sont néanmoins à prendre avec des pincettes tant elles sont hypothétiques et dépendent fortement des décisions politiques des prochaines années ainsi que des comportements d'achat.
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Mais arrêter les subventions au moment où cela se justifierait économique, pourrait poser un problème au niveau politique notamment pour des raisons de justice sociale selon Julien Pillot :
« Si on arrête les subventions à ce moment-là, ceux qui en auront profité jusqu'alors seront sûrement les personnes favorisées, les autres n'auront pas pu, par manque de moyens. Ce sont pourtant ceux qui en ont le plus besoin et qui ont, en moyenne, les véhicules thermiques les plus vieux donc les plus polluants. Ils ne pourront pas aller dans les centres-villes. Ce n'est pas parce que des subventions ne se justifient pas sur le plan économique, qu'elles ne se justifient pas sur le plan social. »
Une préférence géostratégique en réflexion
Pour l'heure, les voitures électriques les moins coûteuses sont celles provenant de Chine. En effet, le pays a développé son écosystème électrique très rapidement ce qui lui permet de bénéficier de coûts de production plus bas que les pays européens ou les Etats-Unis. D'ailleurs, selon l'étude de l'Observatoire des mobilités et de Sixt, plus de la moitié des Français achèteraient un véhicule chinois s'il est moins cher que son équivalent européen, c'est même 66% pour les 18-24 ans.
L'Europe est aussi, pour le moment, encore très dépendante de la Chine dans la fabrication de ses propres voitures, notamment pour les batteries électriques qui nécessitent certains métaux dits « critiques » comme le lithium ou le cobalt importés pour moitié de l'Empire du milieu.
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Or, les aides actuelles pour l'achat de véhicule neuf n'ont pas de restrictions en termes de provenance ni sur les matériaux qui composent la voiture. « Nos subventions, aujourd'hui, sont des subventions indirectes pour les intérêts chinois », regrette Julien Pillot. Dans le projet de « leasing social » pour la location de voitures, Emmanuel Macron a insisté sur une préférence européenne comme condition d'attribution. Une annonce à contre-courant du libéralisme européen mais qui fait échos aux mesures protectionnistes annoncées par le plan anti-inflation de Joe Biden. Dernièrement, le gouvernement américain a annoncé des subventions à l'achat de véhicules électriques produits en partie à l'étranger mais sous réserve d'un accord avec certains pays, dont la Chine ne fait pas partie.
Des aides « fléchées » pour les plus précaires ou les entreprises
Des subventions selon les revenus sont aussi à prendre en considération. De la même manière que le « leasing social » prévu pour 2024, d'autres subventions indirectes pourraient être attribuées selon l'économiste Julien Pillot.
L'Etat peut financer une flotte importante de véhicules électriques mis à disposition en bordure de ville avec de grands parkings relais pour permettre l'accès au centre-ville des zones à faibles émissions (ZFE). Si on ne veut pas exclure une grande partie de la population, il est impensable de dire à des gens qu'ils ne peuvent pas venir dans les centres urbains.
Jean-Philippe Doyen de l'entreprise Sixt propose quant à lui « un fléchage des dispositifs d'incitation à destination des entreprises afin qu'elles puissent irriguer le marché de l'occasion ». Les entreprises sont en effet les premiers acheteurs de véhicules neufs électriques actuellement puisqu'elles ont l'obligation, pour celles qui ont plus de 100 voitures, d'avoir au moins 10% de leur flotte électrifiée. Certaines aides au leasing sont actuellement en vigueur dans les entreprises. Sixt demande plus de subventions afin de faciliter le ruissellement vers les particuliers in fine. L'étude insiste sur le fait que 97% des sondés se déclarent satisfaits ou très satisfaits du véhicule électrique.
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