
Hôtel Noga Hilton de Genève, le 4 mars 1991. Mercedes-Benz dévoile quelques jours avant le Salon automobile de Genève, son dernier vaisseau amiral, la Mercedes Classe S W140. Le développement du modèle a débuté en 1981 et à couté au constructeur allemand plus de trois milliards de marks.
Ou plutôt quatre milliards de marks, après que la présentation de la Lexus LS400 oblige Mercedes-Benz à revoir sa copie et à retarder son lancement de deux ans. La sortie de la Classe S est l'événement de l’année 1991, au moment où le monde assiste à la chute de l’URSS. Le rapport avec Tatra, paisible constructeur Tchêque de limousines ?
Il faut sauver Tatra
Depuis le changement de régime en Tchécoslovaquie intervenu en 1989, la marque Tatra semble errer sans but. Les directeurs se succèdent à la tête du constructeur, empêchant tout projet d’éclore.
En changeant de régime, la Tchécoslovaquie s’est également ouverte à la concurrence. Les voitures importées d’Europe se vendent comme des petits pains. Si Skoda sauve sa peau en rejoignant Volkswagen, chez Tatra on subit de plein fouet l’arrivée de la Mercedes-Benz Classe S.
Les élites du pays veulent tous rouler en Classe S, et le modèle actuel, la Tatra 613 date de 1974. Il faut absolument relancer la marque, très rapidement. Problème, il n’y a plus d’argent.
Un an et pas d’argent
Un des ingénieurs du projet, Miroslav Staron raconte : “Quand on m’a demandé de concevoir une nouvelle voiture en un an, j’ai répondu que c’était impossible. Puis je me suis dit qu’on pouvait reprendre une partie de la structure de la 613. Nous avons commencé à réaliser une maquette. Nous n'avions ni le temps ni l'argent pour fabriquer de nouveaux outils de production pour une carrosserie complète. L'objectif était de faire revivre la voiture, de la moderniser, de lui donner un aspect différent, de la rendre qualitativement différente et de rapprocher sa technologie des années 1990. Le budget était ridicule mais il se passait enfin quelque chose dans le département automobile de Tatra”.
Un designer anglais
La voiture sera dessinée par le designer britannique Geoff Wardle. Mais toujours pour des raisons de budget, le designer devra se contenter de moderniser la Tatra existante et ne pourra travailler que sur son temps libre !
L’Anglais va puiser dans l’histoire de la marque, l’ovale de la face avant se voulant une référence à l’ancienne Tatra 603. En dix mois d’un travail acharné, Geoff Wardle rend sa copie.
“Il venait tous les week-ends à l’usine Tatra. Il a appris aux gars de l’atelier à travailler avec le mastic, et ils ont passé plus d'une semaine à finir la première maquette selon ses instructions. Il était temps de la présenter à la direction”.
À la recherche de technologies
L’avant de la voiture est profondément modifié. On retrouve également un nouveau chauffage et une climatisation. Mais faute de temps et d’argent, la Tatra T700 n’a ni Airbag, ni ABS, ni boîte automatique.
“Il était prévu d’apporter ces éléments plus tard dans la carrière de l’auto.” précise Miroslav Staron. “En moins d’un an, nous avons amené la voiture jusqu’à la ligne de montage. Technologiquement, nous avions progressé, mais malheureusement, nous n'avons pas été en mesure - dans le temps imparti et avec le budget alloué - d'amener la voiture au niveau de la concurrence mondiale. Toutes ces voitures désormais importées dans le pays étaient technologiquement bien plus avancées.”
Une course contre la montre
Mettre en production la nouvelle voiture n'aura pas été facile. Les nouvelles ailes de la Tatra obligent à acheter de nouvelles presses fabriquées par Skoda à Kvasiny. Pour réaliser le capot avant, on fait appel à une entreprise de Kunovice spécialisée dans l’aéronautique.
Finalement, le premier prototype est présenté à la direction de Tatra le 23 décembre 1995, la veille de noël, la mission est réussie.
Un douloureux échec
La Tatra 700 est présentée au public le 9 avril 1996. Avec son moteur arrière, ses lignes originales mais déjà vintage, elle séduit mais doit affronter une concurrence bien plus affutée et moderne. Son prix de vente, d’environ 1,5 million de couronnes la place face aux meilleures routières européennes.
Au Salon de Francfort, elle attire la curiosité de nombreux visiteurs. Mais les ventes ne suivent pas. La première année, en 1996, ce sont 29 exemplaires qui sortent de l’usine Tatra. En coulisses, la mise à mort de la division automobile de Tatra est déjà quasiment actée.
Citroën en sauveur ?
Pour survivre, Tatra cherche à nouer des liens avec un partenaire étranger. Audi, Fiat ou Chrysler sont approchés, sans succès. Le projet le plus avancé était celui avec Citroën. Tatra produirait pour Citroën 12 000 utilitaires par an, dans son usine de Pribor.
De quoi faire entrer de l’argent frais, pour améliorer les voitures de la marque Tatra. “Nous avions besoin de produire 1 500 voitures par an pour être rentables” explique un responsable du musée de la Technique de Prague. Mais le destin ne tourne pas en faveur de Tatra.
“Citroen exigeait une joint-venture, nous rendant indépendants de la maison mère qui produit également des camions. Les français avaient peur que l’argent investi ne finisse dans le gouffre financier de la maison mère. Tatra a refusé. Deux ans après, la dernière Tatra T700 sortait de l’usine.
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