Rien n'est simple dans un monde automobile chahuté par une électrification qui s'oppose à la passion. Les temps changent mais pas l'ADN de l'automobiliste, qui a parfois du mal à se reconnaître dans ce nouveau monde de la mobilité.
Si le design est le premier critère d'achat d'une automobile, la technologie, le moteur et l'équipement dernier cri sont d'autres éléments déclencheurs de l'acte d'achat. Ensemble, ils génèrent une notion de plaisir, d'abord dans la détention d'un véhicule qui nous ressemble et nous offre une liberté de mouvement. Mais il s'agit aussi de l'agrément d'usage et de conduite, qui doivent être en corrélation avec le prix demandé. L'électrification galopante du marché automobile et l'augmentation des prix bouleversent les acheteurs de voiture neuve et modifient la physionomie du marché français.
Passons sur les chiffres de vente annuels, revenus cinquante ans en arrière, quand nous étions 54 millions d'habitants dans l'Hexagone contre près de 68 millions aujourd'hui. Regardons en revanche l'âge moyen du parc automobile, qui est de 11,8 ans en Europe et 10,5 ans en France (6,8 ans au Luxembourg...). Jamais ce chiffre n'a été aussi élevé en France, ce qui signifie au moins deux choses : que nous gardons nos voitures plus longtemps pour des questions économiques mais, surtout, que les nouvelles technologies interrogent, voire déplaisent. Il n'y a jamais eu autant de clubs de passionnés par des voitures youngtimers ou anciennes que depuis que la voiture électrique nous a été présentée comme la panacée de notre mobilité.
Aujourd'hui, certains adorent déjà la voiture à batteries si elle correspond à leur usage. Mais ce sont eux qui, en général ne s'intéressent pas à la « bagnole ». À l'opposé, il y a ceux qui ne jurent que par les grosses cylindrées qui font du bruit et rejettent au bas mot 250 g de CO2/km. Mais ils ne sont pas les plus nombreux.

La catégorie la plus importante est celle des Français qui ont besoin - et envie - d'une voiture qui leur plaît sur le plan esthétique, est dotée d'une technologie qui rassure (autonomie, ravitaillement) pour un prix correct et leur procure des sensations de conduite exaltantes. Celle qui véhicule un minimum de passion dans une vie quotidienne parfois rude.
Les marques l'ont bien compris et font phosphorer leurs services marketing pour nous « engager », le mot préféré des pros du marketing quand ils parlent de « contact » ou de « prospect » (en d'autres termes, de nous). Certains constructeurs essayent d'utiliser le sport automobile électrifié (Formula E ou WEC) pour faire leur promotion. D'autres jouent sur la carte du style néo-rétro, pour jouer sur la corde sensible des souvenirs d'enfance.
Créer une proximité entre le modèle et l'acheteur
Les constructeurs français ont assimilé cette donnée, et nous aurons bientôt sur nos routes des réinterprétations électriques de modèles populaires des années 1960 et 70. Les futures Renault 4 et Renault 5 électriques rappelleront à certains des bribes de leur douce jeunesse, et si la première sera assez bon marché (25 000 € environ), la seconde sera sensiblement plus chère. La mission de ces deux modèles sera de véhiculer des « marqueurs » afin de fédérer des clients autour de la marque. Pour l'acheteur, ce sera d'abord l'émotion, ensuite le montant du loyer qui comptera.

Les marques sud-coréennes cherchent également à développer cet attachement, en proposant des modèles totalement différents génération après génération. Le but est de créer une proximité entre le produit et l'acheteur, qui achète un « modèle » plutôt qu'une « marque ». Une dimension passionnelle exploitée également par Dacia, qui dispose déjà d'un vivier de passionnés grâce au concept de voiture low cost, cher à certains pour le prix mais aussi pour l'esprit. Si les acheteurs de Tesla sont convaincus de faire partie d'un mouvement avant-gardiste, ceux de Dacia se veulent plus terre à terre et sont persuadés des bienfaits de la voiture essentielle, mouvement que veut rejoindre Citroën au travers d'un positionnement voisin.
Aujourd'hui, la clientèle la plus difficile à contenter dans le nouveau monde automobile est celle des petites sportives (Renault Clio RS ou Peugeot 208 GTI, entre autres) disparues depuis l'instauration des gros malus. Convaincre les passionnés, quelle que soit leur implication, est alors devenu l'une des clés de l'acceptation des nouvelles technologies. C'est sans doute pour cela que le constructeur italien Abarth a passé six mille heures à travailler sur le bruit artificiel émis par sa nouvelle 500e électrique.
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