A l’été 2018, face à une dette abyssale, le service d’autopartage parisien Autolib’ fermait brutalement. Bolloré, qui exploitait le dispositif, annonçait un déficit annuel de 50 millions d’euros. De quoi précipiter la fin du contrat, sous l’impulsion du syndicat Autolib’ et Velib’ Métropole. Très rapidement, les voitures ont été retirées de la circulation et mise au rebut pour bon nombre d’entre elles. Quant aux bornes de charge dédiées à ces autos électriques, elles ont été désactivées simultanément, laissant sur le carreau pendant plusieurs mois les propriétaires de voitures électriques qui avaient souscrit un abonnement sur le réseau parisien… Le seul existant à l’époque.
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Cinq ans après, le groupe Bolloré vient juste d’être débouté de sa demande d’indemnisation par le tribunal administratif de Paris (il réclamait 235 millions d’euros en vertu du contrat signé avec la Mairie de Paris). Et il n’existe toujours pas, ni en région parisienne ni ailleurs en France, de service d’autopartage de dimensions équivalentes.
Les remplaçants d'Autolib' divisés et invisibles
Jean-Baptiste Schmider, PDG de Citiz, une société coopérative de divers acteurs locaux spécialisés dans l’autopartage, tempère ce constat noir. « En région parisienne aujourd’hui, il y a toujours en circulation presque autant de voiture en autopartage qu’à l’époque d’Autolib’. Mais elles sont réparties entre divers opérateurs qui ont une visibilité bien moindre ». Les Share Now, Free2Move, Zity, Ubeeqo, Getaround et Communauto qui ont repris le flambeau aujourd’hui sont pour ainsi dire invisibles.
Leurs autos ressemblent à la voiture de Monsieur Tout-le-Monde, contrairement aux Bluecar de Bolloré, immédiatement reconnaissables. Les stations ne sont pas aussi bien identifiées, et il n’y a pas de places réservées, ce qui impose de chercher une place de stationnement sur la voie publique. Enfin, la flotte de voitures répartie entre ces divers opérateurs divise d’autant le nombre d’autos disponibles pour les abonnés de l’un ou l’autre des opérateurs.
Trois erreurs ont conduit à la perte d'Autolib'
Selon Jean-Baptiste Schmider, trois principaux facteurs ont conduit à la perte d’Autolib’. Le premier, c’est le « free-floating », ou trajet en trace directe. C’est-à-dire le fait de pouvoir prendre un véhicule à un endroit et le déposer à un autre. « C’est un excellent produit d’appel, pour séduire de nouveaux clients. Mais cela a un revers logistique important : le soir, tous les véhicules partent du centre pour aller en périphérie, et inversement le matin. Cela ne garantit pas l’homogénéité de la répartition de l’offre. Avec, à la clé, des utilisateurs qui se retrouvent sans solution. Le système en boucle (on dépose obligatoirement le véhicule où on l’a pris, NDLR) est à ce titre bien plus facile à gérer. Quitte à ce que le tarif soit moins cher, pour autoriser des arrêts lors de la location, sans faire exploser la facture pour l’utilisateur ».
L’autre erreur d’Autolib’, c’est d’avoir voulu étendre le périmètre du service. « Lorsqu’on augmente l’aire d’utilisation, il faut augmenter le nombre de véhicules au carré. Cela devient vite ingérable et coûteux, au vu du nombre d’utilisateurs concerné… surtout en free-floating », reprend Jean-Baptiste Schmider. « Voilà pourquoi, dans nos services d’autopartage, nous nous concentrons sur le centre-ville, avec quelques zones satellites comme des parcs d’activité ou des aéroports. »
Enfin, le choix de la voiture, et en particulier sa techologie de batterie « chaude » qui nécessitait de la brancher dès qu’elle était arrêtée était une autre limite d’Autolib’. « C’est en partie pour cela que Autolib’ ne proposait que du free-floating », poursuit Jean-Baptiste Schmider. « Un arrêt prolongé pour faire des courses risquait de pomper la batterie, voire de l’endommager si son niveau de charge était trop bas. Voilà qui a contraint Bolloré a ne proposer qu’un type de location. »

Service d'autopartage Citiz à Lyon Crédit: Citiz
Si la grosse machine Autolib’ a viré au fiasco, avec une offre aujourd’hui bien moins visible et satisfaisante, ce n’est pas pour autant que les grands services d’autopartage ne verront pas le jour à l’avenir. Ainsi, Citiz prévoit à Lyon le déploiement d’une flotte de 2.600 véhicules d’ici à l’horizon 2030, avec un coup d’envoi donné à l’automne 2022. Un véritable mastodonte qui reçoit le soutien de la métropole. Disponibles via une application, les voitures sont proposées dans des stations dédiées. Les trajets en boucle sont privilégiés, mais il existe la possibilité de louer certaines voitures en free-floating. « De quoi attirer des clients et les convertir peut-être définitivement à l’autopartage », espère Jean-Baptiste Schmider.
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