Sortant de la réserve habituelle des industriels vis-à-vis des pouvoirs en place, Stellantis se mêle de politique. Plus téméraire encore, le groupe franco-italo-américain n’hésite pas à brandir l’arme du chantage à l’emploi pour favoriser ses intérêts. Après s’être brouillé avec le gouvernement italien, le constructeur dirigé par Carlos Tavares prend inopinément part au débat électoral en Grande-Bretagne, à peine dix jours avant les élections législatives.
« La demande (de voitures électriques) n’est pas là, contrairement aux attentes », affirme ce mardi à Londres Maria Grazia Davino. La directrice générale de Stellantis au Royaume-Uni ajoute : « Nous avons besoin que le gouvernement soutienne » la demande. Faute de quoi, « nous envisagerons de produire ailleurs » ! Carrément. Objet de la colère : l’actuel gouvernement conservateur avait repoussé en septembre dernier l’interdiction à la vente des voitures thermiques à 2035… au lieu de 2030, après avoir suspendu les bonus de 1 500 livres (environ 1 800 euros) pour l’achat d’un modèle dit zéro émission.
Les sites de fabrication d’Ellesmere Port et Luton menacés
Stellantis vient donc interférer dans les prochaines législatives britanniques, qui se tiendront le 4 juillet. Les Travaillistes, donnés favoris, veulent eux réavancer de cinq ans l’obligation du tout électrique. Indirectement, le constructeur prend position en faveur de ces derniers. Surprenant, de la part d’une firme automobile à la veille d’élections nationales. Stellantis dispose de deux sites de fabrication outre-Manche, à Ellesmere Port et Luton, villes respectivement situées dans le nord-ouest et le centre de l’Angleterre. Il s’agit d’anciens sites General Motors trouvés dans la corbeille de la mariée lorsque l’ex-PSA a repris Opel et sa marque anglaise associée Vauxhall en 2017.
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Stellantis est coutumier du chantage. Il avait déjà agité l’an dernier la menace de fermetures au Royaume-Uni faute d’un aménagement de l’accord commercial post-Brexit entre la Grande-Bretagne et l’Union européenne. Mais, à l’époque, il n’y avait pas de scrutin en vue. L’accord commercial prévoyait l’imposition de droits de douane de 10 % sur les véhicules traversant la Manche. Londres et Bruxelles se sont in fine accordés en décembre 2024 pour reporter de trois ans l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles.
Carlos Tavares en froid avec le gouvernement italien depuis 2023
Les relations de Carlos Tavares avec Rome sont de leur côté orageuses depuis l’été 2023. Le gouvernement de Giorgia Meloni lui reproche de ne pas soutenir suffisamment les usines transalpines de l’ex-FCA (Fiat Chrysler). Le directeur général incrimine à son tour les autorités italiennes, qui ne soutiendraient pas suffisamment la vente de véhicules électriques. Il fustigeait même en début d’année « une opposition franche à la motorisation électrique » de la part de Rome.
Puis le directeur général s’est offusqué publiquement des déclarations du ministre des Entreprises Adolfo Urso invitant, en février, d’autres constructeurs à venir s’installer dans la péninsule. Y voyant un appel du pied à peine voilé à l’arrivée d’un concurrent chinois, Carlos Tavares avait répliqué au début du printemps 2024 : « Si quelqu’un veut amener des concurrents chinois en Italie, il sera responsable des décisions impopulaires qui devraient être prises le cas échéant ! » Le dirigeant précisait même que l’entreprise pourrait « avoir besoin de moins d’usines ». Un nouveau chantage à l’emploi.
Quand Tavares s’en prenait à Bruxelles…
Le gouvernement italien s’était aussitôt vengé mi-avril en forçant Alfa Romeo, marque transalpine du groupe Stellantis, à débaptiser son tout nouveau petit SUV Milano. Fabriquée en Pologne, la voiture tombait sous le coup d’une ancienne loi sur les appellations des produits délocalisés hors d’Italie, qu’Adolfo Urso a opportunément ressortie des oubliettes !
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Il faut dire que Carlos Tavares n’a jamais mâché ses mots. En mars 2019, ne fustigeait-il pas au salon de Genève l’ « amateurisme » des décisions politiques bruxelloises, lesquelles risquaient d’entraîner l’industrie automobile européenne dans une « impasse » ? Il attaquait alors la décision de l’UE d’interdire à la vente toutes les voitures neuves non électriques à l’horizon 2025. Le patron de PSA à l’époque reprochait aux politiques des pays producteurs de véhicules comme « la France, l’Italie ou l’Espagne d’avoir des positions extrêmes » pro-électriques. Aujourd’hui, c’est le contraire.
Tavares veut que les politiques soutiennent la voiture électrique
Mais c’est surtout après les changements de cap fréquents que le patron de Stellantis en a. « Nous ne sommes pas des jouets dans les combats politiques en Europe », assurait-il lors d’une interview à Challenges. Affirmant avoir investi plus de 50 milliards d’euros dans l’électrification à horizon 2030, Stellantis ne veut pas revenir en arrière, désormais. Une voiture électrique « coûte aujourd’hui 40 % de plus qu’une thermique car l’industrie n’a pas eu le temps de se préparer », précisait son DG.
Il faudrait par conséquent, dans ce laps de temps, que les Etats « soutiennent la vente de ces voitures électriques en compensant le différentiel de coûts ». D’où ses accès de colère. L’industrie automobile « n’a pas besoin d’un changement des règles du jeu », renchérissait ce mardi Mike Hawes, directeur général de l’Association des constructeurs britanniques SMMT, qui organisait la conférence de presse au cours de laquelle Maria Grazia Davino a fait ses déclarations fracassantes.
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