Un démarrage commercial timide, par la faute d’une homologation en quadricycle lourd
« Il faut 10 000 unités annuelles pour simplement survivre. 30 000 pour que la production soit rentable », révèle Wim Ouboter. Outre un tarif assez élevé, de 20 000 euros en moyenne (à la présentation du prototype, on annonçait 12 000 euros) le démarrage commercial timide de la Microlino s’explique en partie par la catégorie administrative dans laquelle elle est homologuée, celle des quadricycles lourds. A mi-chemin entre les voitures sans permis et les vraies voitures, celle-ci cumule les inconvénients. En France, la Microlino nécessite un permis de conduire, mais elle n’a pas droit au bonus écologique de 4 000 euros accordé aux voitures électriques (seulement 900 euros), et l’accès aux voies rapides lui est interdit, malgré une vitesse de pointe de 90 km/h.
La Microlino se décline maintenant en version sans permis, et avec une batterie plus grosse, permettant une autonomie de plus de 200 km. Crédit: Nicolas Meunier/Challenges
En Suisse, la situation est différente : la Microlino a le droit de rouler sur les autoroutes. A cela s’ajoute une notoriété supérieure, liée au fait que l’entreprise est suisse… Les ventes sont particulièrement concentrées dans le canton de Zurich, d’où Micro est originaire. Dans la confédération, il s’est vendu environ 500 Microlino l’an dernier. Mais nul n’est prophète en son pays. « Lorsque nous demandons des subventions au gouvernement, au même titre que les autres constructeurs de voitures électriques, on nous rétorque que la Microlino n’est pas une voiture. Par contre, la nouvelle taxe de 4 % sur les voitures électriques s’applique bien. Pour les politiques, la Microlino est ou n’est pas une voiture, selon que la situation les arrange ou non », déplore Wim Ouboter. « Si j’avais pu prévoir toutes les contraintes liées à cette catégorie, je n’aurais sans doute pas suivi cette voie ! »
La marque rêve de vendre 100 000 Microlino par an
Voilà pourquoi, il y a quelques mois, Micro s’est associé à d’autres constructeurs de quadricycles pour tenter de faire bouger les lignes au niveau européen. En créant la Coalition des Microvoitures, ces nouvelles marques entendent faciliter le développement de leurs petites autos. « La Microlino est un excellent moyen de diminuer l’empreinte carbone des déplacements », reprend Wim Ouboter. « Lorsque j’entends qu’il faut remplacer toutes les voitures par des voitures électriques équivalentes, cela me fait bondir ! Au contraire, il faut conserver les voitures thermiques déjà produites, cela évite d’en fabriquer de nouvelles. Notre cible, ce sont les foyers qui possèdent deux voitures capables de parcourir de longues distances. En en remplaçant une par une Microlino, il est possible de réduire fortement l’impact des déplacements. Aujourd’hui, je fais 95 % de mes déplacements en Microlino. »
Lors d'un essai, nous avons pu constater que la consommation électrique de la Microlino était inférieure de moitié à celle d'une Smart Fortwo électrique. Crédit: Nicolas Meunier/Challenges
Effectivement, une Microlino est deux fois plus légère qu’une Smart Fortwo électrique et nous avons mesuré lors d’un essai une consommation électrique deux fois moins élevée. Voilà un bon indice de la sobriété de cette petite auto. « J’ai toujours pour objectif de vendre 100 000 unités de ces petites voitures chaque année », espère Wim Ouboter.
L’usine tourne au ralenti, les stocks s’accumulent
En attendant, l’usine tourne au ralenti. Si la production a débuté à la cadence quotidienne d’une vingtaine d’exemplaires, ce ne sont aujourd’hui que six Microlino qui sont fabriquées chaque jour. Actuellement, seuls 70 salariés travaillent sur la ligne de production, la moitié du personnel employé au lancement. Si la fabrication perdure malgré les stocks qui s’accumulent, c’est que la gamme s’élargit. Actuellement, c’est une version sans permis, la Microlino Lite, qui est en cours d’assemblage. Celle-ci devrait toucher, du moins en France, une clientèle plus large. Par la suite, ce sont des modèles dotés d’une plus grosse batterie, à l’autonomie de plus de 200 km, qui seront construits.
La Microlino est fabriquée à Turin, dans des locaux qui ont auparavant accueilli la ligne d'assemblage des Bolloré Bluecar. Crédit: Nicolas Meunier/Challenges
Clin d’œil à Iso, marque qui a créé l’Isetta originelle, c’est en Italie que la Microlino est fabriquée. La chaîne qui assemble cette petite voiture électrique a trouvé refuge au sein de bâtiments appartenant à Cecomp, un spécialiste de la carrosserie et du prototypage. A l’endroit même où était fabriquée la Bolloré Bluecar du service d’autopartage Autolib’. Micro loue les bâtiments, mais l’outillage appartient à l’entreprise suisse. « Nous avons étudié de nombreux cas », explique Wim Ouboter. « Cette configuration est bien moins chère que de construire une usine flambant neuve. Nous avons également approché Magna Steyr (qui produit le Fisker Ocean, N.D.L.R.) pour de la sous-traitance… Mais on nous réclamait une avance, pour assurer la sécurité du contrat, aussi importante que la somme nécessaire à la constitution de la chaîne de production à Turin ! »
Une usine très bien équipée pour un constructeur de voiturettes
Conçue par un ancien de chez Maserati, la ligne de production est réellement celle d’une usine automobile de petite série. L’enchaînement des postes rappelle la ligne du Lamborghini Urus à Sant’Agata Bolognese. Peu de constructeurs de voiturettes sont aussi bien installés : les carrosseries sont transportées d’un poste à l’autre avec des convoyeurs aériens qu’on ne peut voir que chez Chatenet, parmi les rivaux directs. Une autre originalité est constituée par le choix d’une carrosserie monocoque en aluminium embouti. Celle-ci est fabriquée à quelques kilomètres de là, cette fois directement par Cecomp. L’industriel italien dispose d’une véritable expertise en la matière, puisqu’il fabrique pour Alpine les caisses de l’A110.
Les caisses en aluminium embouti sont fabriquées par Cecomp, à quelques kilomètres de la ligne d'assemblage. Crédit: Nicolas Meunier/Challenges
Tout est fait pour produire des modèles à la finition impeccable, largement plus soignée que ce qu’on a l’habitude de voir dans le monde des quadricycles. « Une bonne part de notre cible concerne des possesseurs de gros SUV et voitures de sport. Pour les convaincre de passer à un modèle à l’empreinte carbone plus faible, il faut que celui-ci soit séduisant ! », insiste Wim Ouboter.
La Microlino s’améliore sans cesse
Tout aussi craquante qu’elle soit, il faudra plus qu’un joli minois à la Microlino pour faire tourner à plein régime une usine capable de débiter de 20 000 à 30 000 unités par an, en fonctionnant avec deux équipes par jour, y compris le week-end. Les ingénieurs améliorent continuellement le produit. Sur les derniers exemplaires, le moteur électrique a été changé. Le nouveau, produit par l’italien Mavel, apparaît bien plus silencieux que le précédent (quoique un peu moins performant), destiné initialement à des chariots-élévateurs. Les prochaines nouveautés consisteront à adapter une climatisation et un système audio intégré, réclamés par la clientèle.
Depuis quelques semaines, la Microlino adopte ce moteur, fourni par le spécialiste italien Mavel. Il se révèle bien plus silencieux que celui des premiers modèles. Crédit: Nicolas Meunier/Challenges
Mais le principal écueil semble concerner le tarif, qui constitue un handicap important face à la Citroën Ami, plébiscitée pour ses tarifs au ras des pâquerettes. Outre des offres de leasing (avec Volkswagen Financial Services, via l’importateur d’Ieteren en France), Wim Ouboter envisage toutes les options possibles. Ainsi, à l’avenir, une partie de la production pourrait être effectuée en Inde si les modèles construits en Italie ne parviennent pas à séduire assez largement. « Cela pourrait baisser les coûts fortement, de l’ordre de 40 % », révèle Wim Ouboter. Si la baisse de prix consécutive ne suffit pas à faire décoller les ventes, un nouveau modèle est envisagé. Celui-ci partagerait 80 % de ses composants avec la Microlino actuelle, mais abandonnerait la porte frontale, très coûteuse en production, au profit d’ouvrants plus classiques. Produite en Inde, cette nouveauté serait beaucoup moins chère. Dès 2026, elle pourrait épauler par le bas l’actuelle Microlino, qui conserverait son statut d’objet chic.
Ce tunnel lumineux permet de traquer le moindre défaut de fabrication. Crédit: Nicolas Meunier/Challenges
En attendant, l’activité automobile déficitaire de Micro va être séparée du reste de l’entreprise dans un avenir proche. Si les trottinettes resteront toujours dans l’escarcelle de la famille Ouboter, une nouvelle entité sera créée pour la Microlino, avec le soutien d’investisseurs, déjà prêts à entrer au capital à l’heure où nous écrivons ces lignes. Car la famille fondatrice de l’entreprise ne pourra pas éternellement éponger les déficits. « J’aurais pu vivre mes dernières années avec les bénéfices de la fabrication de mes trottinettes, mais cela aurait été moins drôle que de lancer la Microlino », nous confie Wim Ouboter avec un regard malicieux. La survie de cette petite auto tient beaucoup à la passion du père et de ses deux fils.
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