C’est un défi particulier qu’ont accepté de relever une cinquantaine de Parisiens et de Franciliens de petite et grande couronnes : s’engager à ne pas utiliser leur véhicule motorisé – voiture, moto ou scooter – durant trois semaines pour leurs déplacements quotidiens, entre le 11 septembre et le 1 er octobre 2017.
Fortes du succès du défi « sept jours sans ma voiture » lancé en 2016, la ville de Paris et la direction régionale d’Ile-de-France de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), en partenariat avec l’association Wimoov, ont renouvelé l’expérience, en rendant cette année le challenge plus ambitieux.
Objectif : faire découvrir et tester les autres modes de transport offerts par la capitale et contribuer, ainsi, aux changements des comportements en matière de mobilité. Des comportements qui ont indiscutablement commencé à évoluer dans la plupart des agglomérations françaises.
Une baisse de l’usage de la voiture dans toute la France…
« Les années 2000 marquent une rupture, avec une baisse du nombre de déplacements et de l’usage de la voiture », souligne Paul Lecroart, urbaniste à l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Ile-de-France (IAU), coauteur de l’ouvrage « Les métamorphoses de l’autoroute urbaine ».
Le nombre de véhicules comptabilisés en entrée de ville à Strasbourg a chuté de 36 % entre 1999 et 2016. A Paris, la circulation automobile a diminué de 43 % entre 1992 et 2015. Idem sur le territoire de Bordeaux métropole (28 communes, 761 000 hab.), où 64 % des trajets s’effectuaient en voiture en 1999, et 59 % dix ans plus tard.
Mais un trafic en hausse en zone périurbaine
« La circulation baisse de 1 % par an à l’intérieur de la rocade qui enserre la ville, se félicite Nicolas Fontaine, directeur général adjoint du pôle mobilité. Mais elle est en hausse au-delà, dans le périurbain. » Le constat est national.Dans les franges urbaines et les espaces ruraux, l’utilisation de la voiture continue de s’amplifier, tout comme les distances parcourues et le temps passé à se déplacer.
Les habitants des agglomérations de 20 000 à 100 000 habitants déclarent avoir augmenté l’usage de leur véhicule de 14 % ces dernières années. Une progression qui atteint 18 % en zone rurale, révèle l’Observatoire des mobilités émergentes. « Ce rebond s’observe aussi dans de nombreuses villes européennes, en particulier allemandes, analyse Vincent Kaufmann, directeur du laboratoire de sociologie urbaine à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne.
De plus en plus de services publics en périphérie
Pour une raison simple : la croissance urbaine – les emplois, l’activité économique – continue à s’effectuer en périurbain et autour de l’automobile. » Et Paul Lecroart de confirmer : « Dans beaucoup de villes moyennes, les administrations et les services publics ont été délocalisés en périphérie, comme à Saint-Malo ou à Nîmes. On s’étonne ensuite qu’il y ait des bouchons partout ! »
Parmi les ménages vivant à l’extérieur du périphérique de Nantes métropole (24 communes, 619 200 hab.), 56 % possèdent au moins deux véhicules.Intra-muros, ils ne sont plus que 24 %. A cela, plusieurs raisons : en centre-ville, la desserte en transports collectifs est meilleure, les commerces et équipements publics sont plus proches ; les restrictions de stationnement et de trafic y sont plus fortes.
Dans le périurbain, a fortiori en zone rurale, aucune contrainte de la sorte ne vient contrarier l’utilisation de la voiture. « La peur du changement climatique et la conscience écologique ne suffisent pas à modifier les comportements », constate Vincent Kaufmann.
La voiture reste un marqueur social
Bien que les transports motorisés soient pointés du doigt à l’occasion des pics de pollution récurrents, les trois quarts des Français gardent une opinion positive de la voiture, selon une enquête sur les aspirations et les pratiques de mobilité, réalisée en 2015 par le bureau de recherche 6T.
« On a beaucoup dit que l’image de la voiture s’est ternie, c’est sans doute vrai dans certains milieux aisés, observe Vincent Kaufmann. Mais elle demeure un marqueur social important pour beaucoup de gens. » En revanche, les transports en commun restent plutôt mal perçus par la population, qui leur reproche d’être lents, peu fiables et bondés.
Des pistes cyclables qui restent vides dans les quartiers
De son côté, le vélo, écologique, bon marché et agréable, bénéficie d’une aussi bonne image que la voiture. A Bordeaux et dans sa métropole, son usage a augmenté de 40 % depuis 2014. Des efforts importants ont été consentis dans plusieurs villes, à Nantes et Grenoble notamment, pour que ce mode de déplacement devienne une solution de mobilité à part entière. Six cents kilomètres d’aménagements cyclables ont été construits sur le territoire de l’eurométropole de Strasbourg (33 communes, 484 200 hab.) depuis 1978.
Pourtant, « 50 % des habitants du territoire n’ont jamais pratiqué le vélo, une proportion qui n’a pas bougé depuis 2009, remarque Serge Asencio, chargé de mission vélo. Dans les quartiers d’habitat social, les pistes cyclables restent vides. Proposer des aménagements pour rouler ne suffit pas. Il faut de l’humain et des services, en particulier en dehors du centre-ville : vélos-écoles pour adultes, ateliers de réparation». Des mesures d’accompagnement que la métropole compte mettre en place dans le cadre d’un plan en faveur de la mobilité active, lancé en 2018.
La mobilité devient hyperconnectée
Itinéraire Sibra, la société intercommunale qui gère les transports urbains du Grand Annecy, lançait le 2 mai son application consacrée à la mobilité. Ce calculateur d’itinéraire permet aux usagers d’identifier en temps réel le meilleur mode de transport. En deux mois, il a été téléchargé 8 000 fois ! Ce succès n’est pas surprenant.
L’usage des outils numériques lié à la mobilité ne cesse de progresser. Parmi les Français détenteurs d’un smartphone, 36 % utilisent l’une des applications de transport public national ou local (RATP, SNCF, Transilien, Transports en commun lyonnais&hellip), montre l’Observatoire des mobilités émergentes publié en 2016. Et 64 % consultent l’état du trafic et des transports avant d’entreprendre un déplacement, contre 44 % en 2014.
Les technologies ont un impact sur le type de déplacement de 61 % des Français (6 points de plus qu’en 2014). Recherche d’itinéraires, choix du mode, consultation des horaires, gestion des correspondances, billettique… Incontestablement, les outils numériques fluidifient les trajets en transport en commun. Mais leur impact sur le volume des déplacements en voiture reste difficile à quantifier. Par exemple, 10 % des Français utilisent une ou des applications de réservation de voiture avec chauffeur comme Uber, soit 7 points de plus qu’en 2014.
« En facilitant la mise en relation entre chauffeurs et clients, le smartphone a favorisé l’essor de ce type de transport et donc le trafic automobile », observe Paul Lecroart, urbaniste à l’IAU.
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