L'étude annuelle de l'observatoire Cetelem prend le pouls d'une population française qui ne sait plus très bien à quel transport se vouer.
Dès ce soir, puis demain jour de grève nationale et sans doute les jours suivants, les Français vont pouvoir mesurer ce qui fait la force du transport individuel. C'est en effet le meilleur moyen d'échapper aux multiples tracas des transports en commun, surtout lorsqu'ils ne fonctionnent pas ou mal. Intempéries, défaillances matérielles, grèves fragilisent un système sur le papier très attrayant car largement subventionné. Si un usager du train ne paye jamais le vrai prix de son billet – quand il le paye ! –, l'usager de la route ne passe pas au travers des mailles du filet fiscal et paye pour tout, pour avoir le droit de rouler, de s'arrêter. Et plutôt deux fois qu'une puisqu'il y a même, sur les carburants, une taxe additionnelle calculée sur un impôt déjà appliqué.
Bref, on ne comprend pas très bien pourquoi les Européens, et les Français en particulier, restent autant attachés à leur voiture, y compris à l'aube d'une grève annoncée comme dure. Témoin ces sociétés de location qui sont submergées par les demandes de ceux qui ont un permis de conduire et ne veulent pas être le jouet des événements. Il s'agit essentiellement d'urbains qui ne possèdent plus de voiture. Dans la capitale, par exemple, où il n'y a plus que 36 % des Parisiens à être motorisés. La faute à la politique de madame Hidalgo et à un maillage en toile d'araignée des réseaux qui fait que l'on est très bien servi au centre et de moins en moins bien au fur et à mesure que l'on s'en éloigne.
Le fossé qui se creuse inexorablement entre la région parisienne, de moins en moins concernée par l'automobile, et les campagnes où elle est indispensable ; entre les citadins et les ruraux qui – les Gilets jaunes l'ont souligné – ne parlent plus du tout le même langage. La fiscalité disproportionnée, les réglementions infantilisantes, les interdits urbains ont forgé la carapace de ceux qui sont encore adeptes de l'automobile. Mais pour combien de temps encore ?
Renouveler le parc
Depuis 35 ans, l'observatoire Cetelem de l'automobile essaie de cerner les évolutions de consommation, de les expliquer et sa dernière livraison souffle le froid et le chaud. Elle se situe à un moment historique où le marché automobile mondial va enregistrer en 2019 sa plus nette baisse depuis 10 ans : - 4,4 % attendus, tandis qu'un nouveau recul de 3 % est prévu l'année prochaine en France et en Europe.
Malgré cela, 4 automobilistes sur 5 se disent très attachés à leur voiture, qu'ils assimilent à leur liberté, même si deux tiers d'entre eux — nettement moins en France — considèrent qu'elle est la principale source de pollution. Érigée en dogme par les écologistes, cette idée est de moins en moins vraie, au fur et à mesure que les nouveaux véhicules beaucoup plus propres remplacent ceux devenus obsolètes. Mais il faudra une vingtaine d'années pour renouveler totalement le parc avec les effets de latence que cela implique. Cependant, 66 % des citadins considèrent que l'automobile reste la source principale de pollution, contre 52 % des ruraux.
Ces derniers ne sont pas pour autant des inconditionnels par goût de l'automobile, mais assez souvent par nécessité. 32 % des habitants des campagnes n'ont pas d'autres moyens de transport à leur disposition pour se déplacer. Seulement 18 % peuvent emprunter les transports en commun contre 75 % des habitants des grandes villes. Ce qui explique au passage la forte adhésion (75 %) des ruraux à l'idée que l'on puisse baisser la fiscalité sur les carburants alors que la moitié des citadins seulement sont de cet avis.
Solutions de rechange
« On est face à deux mondes qui ne se comprennent pas », estime Flavien Neuvy, directeur de l'Observatoire Cetelem. « D'un côté, l'automobile est vue sous le prisme de tous ses inconvénients, congestion, pollution, avec, en face, des offres de mobilités alternatives très puissantes et, de l'autre, elle est vue comme un outil de liberté, de mobilité, indispensable pour vivre. »
Le principal enseignement à retenir pour les constructeurs est qu'ils « devront répondre de plus en plus à des demandes très différentes », en proposant, par exemple, de nouveaux services de mobilité dans les grandes agglomérations tout en continuant à vendre des voitures de façon traditionnelle sur les autres territoires. Ce qui se fait déjà depuis des années, car PSA comme Renault ont parfaitement anticipé ces évolutions de consommation.
Dans l'Hexagone, seuls 4 Français sur 10 utilisent régulièrement les transports en commun, 1 sur 10 le covoiturage, et ils sont encore moins à avoir recours à l'autopartage (7 %) — des chiffres qui baissent encore dans les campagnes. On n'a en effet pas du tout la même vision selon le lieu où l'on vit. La ville propose un éventail de solutions d'autant plus large qu'ont émergé des moyens de transport alternatifs, mais ils ne conviennent pas à ceux pour qui la voiture reste indispensable au quotidien.
La fracture après la facture
D'un côté, la ville, de l'autre, la campagne, deux mondes qui, dans un contexte où le facteur économique reste déterminant, ne se comprennent pas toujours. « Après la fracture sociale et la fracture numérique, une troisième démarcation s'installe progressivement dans notre société : c'est la fracture automobile », constate l'étude.
De là à dire que « l'automobile, c'est fini », ce n'est pas du tout ce que pensent les automobilistes français sondés qui se déclarent à 81 % attachés à leur voiture. Mieux encore, 82 % estiment qu'ils posséderont encore leur propre voiture dans 10 ans.
Si 39 % des répondants décrivent la voiture avant tout comme un moyen indispensable pour se déplacer, l'accès aux transports en commun constitue un enjeu majeur en matière de mobilité. 76 % des Français habitent à moins de 15 minutes de marche d'un arrêt de transport en commun — bus, métro, tram —, pourtant seulement 39 % d'entre eux déclarent les utiliser régulièrement, et ils ne sont que 28 % à y être abonnés. Sans doute parce que le service, la rapidité, le confort, la sécurité ne sont pas au rendez-vous à l'arrêt.
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