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La voiture redevient une alternative face aux transports en commun - Le Point

ENTRETIEN. Crainte de prendre le RER, covoiturage, « annus horribilis » pour le marché auto, déprime des loueurs… L'analyse de l'économiste Bernard Jullien.

On croyait la voiture condamnée à disparaître peu à peu. Et voilà que l'épidémie de coronavirus, quelques mois après le mouvement des Gilets jaunes, vient nous rappeler à quel point la « bagnole » reste un élément essentiel, un symbole de liberté. Cela signifie-t-il pour autant que tout le monde se précipitera dans les concessions lors du déconfinement, le 11 mai prochain ? Pas sûr, explique au Point l'un des plus grands spécialistes français de l'industrie automobile, Bernard Jullien, maître de conférences à l'université de Bordeaux, spécialisé en économie industrielle. Entretien.

Le Point : Avec la crise du coronavirus, va-t-on assister à la revanche de la voiture individuelle ?

Bernard Jullien, maître de conférences à l'université de Bordeaux. © DR
Bernard Jullien : Dans les mois qui viennent, tout le monde se méfiera des transports en commun. Cela risque de conférer une prime aux transports individuels, comme l'automobile. La voiture est un choix de liberté. Cependant, il faudra voir si les comportements sont transitoires ou résilients. Dans les zones denses, avec des transports en commun surchargés qui posent un problème sanitaire, il y aura un transfert vers l'automobile dans un premier temps. Mais si le déconfinement est total, l'expérience voiture risque rapidement de devenir défavorable, avec une congestion accrue. Les métropoles ont promu les transports en commun et créé un environnement défavorable à l'automobile, en organisant la congestion et en renchérissant le coût de parking. Je pense qu'aucune autorité territoriale n'aura la volonté de rendre la vie plus facile aux automobilistes.

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Si madame ou monsieur ne prend plus le RER, cela profitera d'abord aux voitures d'occasion

Les Français s'empresseront-ils d'acheter une voiture neuve à la fin du confinement ?

Pas sûr. La part de leur budget consacrée à l'achat d'une automobile n'a cessé de décroître depuis 30 ans, de 5 % à 2 %. Cela signifie que, même s'il y avait une appétence accrue vers l'automobile, il n'est pas garanti que cela constitue un débouché pour l'industrie. Car, tout simplement, les ménages s'équipent 5 fois sur 6 via des véhicules d'occasion. Grosso modo, seuls les vieux et les riches achètent des voitures neuves. Concrètement, si madame ou monsieur ne va plus prendre le RER, cela devrait profiter plus au marché de l'occasion qu'au marché du neuf.

Pour avoir une bonne vision du marché automobile, il faut aussi regarder du côté des entreprises et des loueurs. Les sociétés, avec des comptes détériorés, ne se précipiteront pas pour renouveler leur flotte. Ni en véhicule particulier ni en véhicule utilitaire. Les loueurs qui travaillent pour les entreprises vont recevoir des appels téléphoniques des directions financières de sociétés pour passer les contrats avec option d'achat de 36 mois à 48 ou 60 mois. Enfin, pour la location courte durée, les Avis, Hertz, etc., qui sont complètement dépendants du trafic dans les aéroports et les gares, cela s'annonce compliqué, avec un redémarrage progressif. Il n'y a donc pas de raisons de voir la demande automobile se tenir sur l'exercice en cours.

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Si la chute du PIB français est de 10 % cette année, elle atteindra 40 % pour l'automobile

À combien chiffrez-vous la chute du marché français cette année ?

La méthode Coué consiste à penser qu'il suffirait de redémarrer les usines et rouvrir les concessions pour que les gens se précipitent afin d'acheter des voitures. Dans ce « scénario de la parenthèse », on rêve de retrouver dès septembre les niveaux de 2019. Il y en a un autre plus plausible, pour nous, les économistes, qui regardons les grands mouvements du passé. À chaque récession, une chute d'un point du PIB s'accompagne d'une baisse de trois à quatre fois plus des immatriculations automobiles. Pour la France, si la chute du PIB est de 10 % cette année, elle atteindrait donc 40 % pour l'automobile. La chute serait du même ordre dans les autres grands pays européens. Pour les véhicules particuliers dans l'Europe des 15, cet annus horribilis signifierait une baisse de 5 millions de voitures.

C'est plus facile de monter en voiture avec 3 personnes dont on peut s'assurer du carnet de santé qu'avec 500 inconnus dans un train

Quid du covoiturage. Peut-il encore se développer ?

Le fait que les gens n'aient pas très envie de se précipiter dans des RER bondés peut donner un coup de fouet à ces pratiques. C'est moins problématique de monter en voiture avec 3 personnes dont on peut s'assurer du carnet de santé qu'avec 500 inconnus dans un train. Il peut donc y avoir un effet covoiturage sur de courtes distances.

Sur la longue distance, c'est-à-dire avec des pratiques de type BlaBlaCar, il peut y avoir le même effet positif. C'est moins cher et moins risqué de monter dans un équipage de covoiturage plutôt que dans un train chargé avec des mesures barrières difficiles à appliquer, même si la SNCF assure qu'elle ne chargera ses TGV qu'à moitié.

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