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Toyota : « Le made in France reprend des couleurs » - Le Point

ENTRETIEN. Place de la voiture dans la société, marché, transition écologique… Le PDG de Toyota France, Frank Marotte, détaille la vision du constructeur.

Quand Frank Marotte, le PDG de Toyota France, nous répond au téléphone, vendredi dernier, il est la seule personne présente physiquement au siège du groupe, à Vaucresson (Hauts-de-Seine). D'ordinaire, 300 personnes y travaillent. Avant d'animer une visioconférence avec les concessionnaires de la marque japonaise pour préparer la réouverture du réseau, le 11 mai, il revient sur la place de l'automobile dans le cœur des Français, la chute du marché, l'accélération de la vente sur Internet et la remise en question de notre modèle de société. Entretien.

Le Point : Va-t-on assister à la revanche de l'automobile ?

Frank Marotte, PDG de Toyota © DR
Frank Marotte : Nous constatons plus que jamais à quel point la mobilité est un pilier de la liberté pour l'être humain. L'automobile est née comme un vecteur de liberté individuelle. Il est probable que, pour un certain nombre de personnes, la promiscuité inhérente aux transports collectifs soit devenue trop anxiogène et qu'ils les délaissent.

Avec la crise, le besoin de liberté en sort renforcé. On peut imaginer avoir de nouveaux clients qui s'étaient détournés de l'automobile et qui vont revenir vers nous. Pour les particuliers, la moyenne d'âge était proche de 60 ans dans les achats automobiles. Or, toute une partie de clients plus jeunes seront certainement enclins à revenir à la voiture. Mais à deux conditions : le respect de l'environnement avec des véhicules électrifiés (hybrides, à batterie, à hydrogène) et l'accessibilité prix, avec une mensualité d'un niveau comparable à un abonnement aux transports publics.

Peut-on imaginer des « abonnements voiture neuve » à 75 euros par mois comme un pass Navigo pour les transports en commun franciliens ?

On peut déjà acheter sa voiture neuve en payant en mensualités. Ce qu'on va ajouter afin de réduire l'anxiété des potentiels clients, c'est de décaler les premiers paiements. Nous sommes en train de réfléchir à des modes de financement qui consisteraient à prendre possession de son véhicule au mois de juin, mais de commencer à payer qu'à partir de 2021.

Cette année 2020 symbolise l'arrivée massive des modèles électriques. La crise ne risque-t-elle pas de brider les aspirations écologiques des consommateurs ?

Une partie des consommateurs se détourneront peut-être de l'écologie. Pour beaucoup d'autres, cette crise est révélatrice d'un problème de modèle de société qui finit par mettre en péril notre espèce. Donc cela va renforcer le besoin de revenir à des pratiques plus vertueuses, y compris en ce qui concerne la consommation automobile. Je ne pense donc pas que cela soit un frein.

En revanche, le problème des véhicules électriques à batterie ou à hydrogène est qu'ils restent chers en raison du coût de la technologie. Quand on s'attaque à une clientèle nouvelle, qui a l'habitude de prendre les transports en commun, on risque peut-être encore d'être trop décalé avec ce type d'offre. La technologie hybride de Toyota, développée depuis 20 ans, peut répondre à la demande, car elle est comparable en prix à un véhicule diesel thermique. Nous proposons ainsi une automobile électrifiée avec la nouvelle Yaris Hybrid qui, en ville, peut rouler jusqu'à 80 % du temps en mode électrique et cela à un prix très compétitif.

Lire aussi Toyota Yaris Cross Hybrid : française par destination

Comment Toyota a-t-il été affecté par la chute du marché français ?

C'est un choc commercial inédit qui nous impacte très fortement. Nous n'avons plus de clients. Le marché français a fait - 72 % en mars et va plonger de 98 % en avril. En outre, il y a eu le confinement et l'arrêt des activités commerciales, avec la fermeture des showrooms. L'après-vente, légalement autorisée à continuer, a dû en grande partie s'arrêter en raison de problèmes d'approvisionnement de pièces de rechange. Seule a été gardée une activité d'astreinte pour les véhicules d'urgence, médicaux et autres. Il y a eu la mise en place de l'activité partielle, du télétravail, de mesures sanitaires pour le siège, le réseau de distribution de 250 concessionnaires et l'usine de Valenciennes (Onnaing, dans le Nord), où travaillent 4 500 employés.

Justement, où en êtes-vous du redémarrage de l'usine Toyota de Valenciennes ?

La reprise se fait dans le respect absolu des conditions sanitaires et en accord avec une très large majorité des syndicats. La production est encore faible, avec environ 1 000 personnes sur 4 500. Deux équipes de 1 000 employés vont se succéder. Les premières voitures sont construites ce week-end du 25-26 avril. Elles doivent être potentiellement livrées à nos clients à partir du 11 mai.

Toyota s'est-il converti à la vente sur Internet ?

La crise a été un révélateur et un accélérateur de développement sur la digitalisation. L'industrie automobile n'était pas très en avance dans ce domaine. Il n'empêche qu'aux États-Unis, très forts sur le sujet, la vente en ligne reste marginale. Elle n'y a jamais passé la barre de 10-15 % pour les constructeurs traditionnels. Je ne crois pas que ce canal puisse devenir majoritaire.

Il y a deux interactions physiques importantes dans la vente : la livraison et l'essai du véhicule. L'essai reste capital dans le processus d'achat et en particulier pour tester la technologie hybride avancée de Toyota. Il peut s'effectuer en concession, à domicile ou au bureau, les modalités peuvent évoluer à l'avenir.

Comment se prépare la réouverture des ventes dans les concessions ?

L'enjeu consiste à répondre à une mosaïque de profils clients variés, dont ceux qu'on ne connaissait pas avant. Sur les stocks existants, on aura une offre plus agressive en termes de prix.

Sur quel scénario de reprise misez-vous ?

Il y a un modèle qui lie la chute du PIB à l'évolution du marché automobile. 1 point de PIB perdu revient à 3 points de marché auto perdus. Cela nous conduit globalement à une chute de 25 % cette année, soit un trimestre de perdu. La reprise sera perturbée, y compris en juin, qui est traditionnellement un gros mois, car les clients préparent l'été. Ce n'est qu'à partir de septembre qu'on devrait retrouver des niveaux mensuels normaux. Le rattrapage se fera plus sur l'année 2021. Tout dépend aussi du gouvernement.

Quel plan de soutien attendez-vous ?

Nous espérons un plan gouvernemental d'accompagnement sous diverses formes : avec des primes à la conversion écologique, au renouvellement, à la casse. Ce qui est sûr, c'est que l'automobile touche beaucoup de monde. Plus de 2 millions de clients pour les véhicules neufs, encore plus avec l'occasion. On estime que tout l'écosystème automobile au sens large (assureurs…) représente 10 % des emplois en France. Or, il est coutume pour un gouvernement de relancer l'économie par l'automobile.

Ce serait anachronique de profiter de cette crise pour ralentir la transition écologique

La concurrence s'annonce-t-elle plus rude ?

Le marché est fortement chamboulé. La reprise sera sensiblement décalée avec impossibilité de rattraper le retard. Il y aura sûrement une compétition sur les prix pour les constructeurs qui veulent regagner des parts de marché. Mais pour cette crise, la plus violente depuis la Seconde Guerre mondiale, les constructeurs ont beaucoup souffert et n'auront pas nécessairement les moyens de se lancer dans une guerre des prix. Chez Toyota, ce n'est pas notre stratégie. D'autant que nous sommes en bonne santé financière, au niveau mondial et en France.

À la mi-mars, Toyota était la première marque étrangère dans l'Hexagone, à environ 6 % de part de marché. Nous produisons beaucoup de nos voitures en France, à Valenciennes. Et nous avons un atout : en septembre, nous lançons la nouvelle Yaris, qui représente 40 % de nos ventes nationales. C'est un modèle made in France, à une époque où cette notion a repris beaucoup de couleurs. Ce lancement doit renforcer encore nos positions.

Quelle est la position sur le moratoire sur le CO2 ?

Je ne crois pas qu'il y ait une crise du modèle automobile en tant que tel, plutôt du modèle de colonisation de la planète par les êtres humains. De ce point vue, l'automobile doit poursuivre la transition écologique. Nous ne nous associons donc pas à cette demande de moratoire. Ce serait anachronique de profiter de cette crise pour ralentir la transition écologique. Toyota a commencé il y a 20 ans à faire de l'hybride et il faut continuer à avancer sur la voie de la mobilité propre, vertueuse et décarbonée.

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