
L'automobile est-elle prête ? L'hydrogène, ce n'était pourtant pas une priorité, du moins pour l'automobile, nous confiait-on… il y a un an à Bercy. Mais, visiblement, les politiques ont vite changé de vision. Alors que le gouvernement affirme ce mardi sa volonté de faire de la France "un pays de pointe sur l'hydrogène vert à horizon 2030", les acteurs commencent, eux, à s'y mettre. Car, stratégiquement, l'hydrogène a une énorme supériorité sur les batteries. "Contrairement aux batteries, tous les savoir-faire et les composants existent en Europe", indique Florent Menegaux, président de Michelin. Les batteries sont, elles, importées d'Asie ! Certes, le gouvernement français est partie prenante du futur Airbus des batteries européen. Mais c'est un balbutiement. Ni les usines, ni la technologie, n'existent à ce jour. Et la production en série des batteries issues de cet "Airbus" démarrera à peine en 2023. Trop tard ? Pour l'hydrogène, en revanche, les jeux sont loin d'être faits. Et la France comme l'Europe ont une chance de se placer sur ce marché du futur. "Localiser en France les technologies à venir, oui c'est possible", nous expliquait début septembre Florent Menegaux, avec un grand enthousiasme.
Michelin est ainsi engagé depuis 2019 avec l'équipementier Faurecia (PSA) dans une coentreprise ad hoc. Baptisée Symbio, celle-ci a décidé d'investir 140 millions d'euros, notamment dans une nouvelle usine de piles à hydrogène près de Lyon, en cours de construction. Celle-ci promet d'être la plus grande d'Europe dans ce secteur. "On devrait fabriquer des centaines de milliers d'unités annuellement en 2025, des millions en 2030", précise Florent Menegaux, qui discute aussi d'une coopération avec Plastic Omnium. La pile à combustible est notamment beaucoup plus propre dans son essence même que les batteries bourrées de métaux rares sont l'extraction demeure archi-polluante. "Contrairement aux batteries, la pile à combustible n'utilise qu'un seul métal rare : le platine". La Commission européenne espère ainsi voir l'hydrogène représenter 12% à 14% du mix énergétique à l'horizon 2050.
Encore beaucoup d'écueils
Si les automobilistes apprécieraient la possibilité de faire le plein en trois minutes, pour pouvoir parcourir plus de 600 km, ce qui est beaucoup plus pratique que de recharger toute une nuit une voiture à batteries pour des rayons d'action maximaux de 400 km, il reste encore, toutefois, beaucoup d'écueils. "Il faut encore diviser par dix le coût de cette pile", reconnaît Florent Menegaux. Daimler estime même que les courbes de prix de la pile à combustible et de la batterie ne… se croiseront jamais. Au point d'abandonner la commercialisation de son SUV Mercedes-Benz GLC F-Cell ! Autre problème à résoudre : la durabilité. "La pile à combustible dure aujourd'hui 150.000 kilomètres, pas plus", explique un expert automobile. Insuffisant. Le réservoir demeure également un point critique. Stocker le dihydrogène sous une pression de 700 bars réclame des bonbonnes ultra-résistantes. Chez Faurecia, on avoue qu'ils requièrent 40 kilos… de fibre de carbone. Pas vraiment économique.
Autre réserve de taille, le réseau de stations est quasi-inexistant en Europe. Sauf en Norvège, avec le projet HyNor. Les stations maillent le sud du pays, avec une production sur place de dihydrogène grâce à des électrolyseurs alimentés par des panneaux solaires. De quoi diminuer l'impact écologique, notamment en limitant le transport du précieux gaz. Car, l'hydrogène doit être un équilibre subtil entre le coût, pour garantir son attractivité, et l'impact écologique, pour que la planète profite de cette transition. Fabriquer de l'hydrogène à l'aide de carburants fossiles n'a pas de sens écologique ! Or, l'hydrogène est, pour l'instant, produit de façon "sale", car très majoritairement à partir de ressources fossiles ! La fabrication d'un kilo d'hydrogène génère dix kilos de CO2. Pas terrible ! Pour que l'hydrogène en soi devienne propre, il faut donc qu'il soit issu de sources renouvelables. Ca viendra… Air Liquide travaille dessus. Mais à quel coût ? Or, l'hydrogène en soi est déjà cher. L'hydrogène vert sera de toutes manières toujours beaucoup plus cher pour l'automobiliste que l'électricité stockée dans une batterie, assure le magazine spécialisé L'Argus. Il se transporte en outre difficilement dans de bonnes conditions de sécurité. Et une station nécessite un million d'euros d'investissement, dix fois plus que pour une station d'essence.
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Pourtant, des voitures à hydrogène existent déjà. En toute petite série. Renault avait annoncé en octobre 2019 le lancement d'une fourgonnette Kangoo Z.E. Hydrogen fin 2019 et d'un fourgon Master Z.E. Hydrogen cette année. En partenariat avec… Symbio. Mais il s'agit encore d'une petite pile à combustible. Et les deux véhicules sont surtout destinés à des expérimentations en grandeur nature. Ce sont les Asiatiques qui ont pris déjà une sacrée avance, même si elle n'est pas insurmontable ! Toyota avait lancé dès la fin 2014 sa première voiture à hydrogène de série, la Mirai. Ce fut le premier véhicule avec pile à combustible lancé en production dans le monde (avec la Honda Clarity et la Hyundai iX35 coréenne). La Mirai s'est vendue " à raison de 700 unités par an au début, puis nous sommes montés à 3.000 annuellement, soit 10.000 vendues depuis fin 2014 ", s'enorgueillissait Yoshikazu Tanaka, ingénieur en chef du projet, lors du dernier salon de l'auto de Tokyo, en octobre 2019.
Une petite centaine en France
Une petite centaine d’unités a même trouvé des clients en France : Air liquide, Engie, l'équipementier Plastic Omnium, le CEA (Commissariat à l'énergie atomique), la STEP pour ses taxis Hype ! Pour un prix catalogue de 80.000 euros environ. Mais ces ventes servaient surtout à Toyota de terrain d’expérimentation grandeur nature. Toyota a d’ailleurs récidivé au salon de Tokyo avec une deuxième génération de cette Mirai, plus dynamique, élégante, allongée jusqu’à près de 5 mètres. La commercialisation de cette Mirai II doit intervenir à la fin de cette année. Toyota prévoit de fabriquer, dès 2020-2021, 30.000 voitures à pile à combustible par an avec cette Mirai II et un autre modèle sous son label de luxe Lexus. "Le véhicule à hydrogène va se développer en 2020-2025, avec un vrai décollage après 2025", pronostique ainsi Didier Leroy, ex vice-président exécutif de Toyota. L’hydrogène permettra de "remplacer le diesel sur les longs trajets", renchérit Florent Menegaux.
Si les voitures à pile à combustible seront en concurrence avec les modèles électriques, dont les progrès potentiels sur les batteries sont évidents, "les poids-lourds seront sans rivaux", estime le patron de Michelin. Car l’électricité ne se prête guère aux véhicules devant transporter de lourdes charges sur longs trajets. Toyota a du coup annoncé en mars dernier le développement d'un camion de 600 kilomètres d'autonomie avec un poids total en charge de 25 tonnes doté de cette technologie sur laquelle il planche depuis au moins une quinzaine d'années. Ces camions devraient suivre les… bus. Toyota teste en effet par ailleurs dans l'archipel son bus à hydrogène Sora, très proche de la (petite) série, capable d'emmener 79 personnes. Une centaine d'exemplaires était même prévue pour circuler dès cet été à l'occasion des Jeux olympiques tokyoïtes - reportés d’un an. Ce Sora a pour sa part une autonomie de 200 kilomètres vu les conditions de circulation dans la capitale japonaise et se recharge en quinze minutes maximum, affirme Toyota. Le coréen Hyundai a déjà reçu, pour sa part, une commande de mille camions en Suisse. Ce n’est qu’un début.
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