La mise en oeuvre des zones à faibles émissions (ZFE) risque fort d'être très pénalisante pour une tranche importante d'automobilistes. En Ile-de-France et en Rhône-Alpes, plus d'un tiers des personnes impactées par ce dispositif en cours de déploiement estiment qu'ils n'auront pas les moyens de changer de véhicule lorsqu'il sera pleinement effectif, selon un sondage réalisé par l'Institut CSA et rendu public ce mercredi.
Ils sont en effet 36 % à considérer ne pas pouvoir disposer d'un seul euro pour l'acquisition d'un véhicule étiqueté Crit'Air 1, le minimum requis pour continuer à rouler en ville à partir de 2024, en théorie, dans la Métropole du Grand Paris (MGP). A cette date, seule cette catégorie d'automobiles, qui correspond aux motorisations les plus récentes (voitures à essence fabriquées à partir de 2011 et ou GPL), gardera « droit de cité », ainsi les véhicules électriques ou à hydrogène (Crit'Air 0 ou E). Tous les autres, ceux étiquetés Crit'Air 2, 3, 4 et 5 resteront aux portes de l'agglomération parisienne.
Tout comme en 2026, plus aucune de ces voitures ne pourra circuler sur le territoire de la Métropole du Grand Lyon. En cours de mise en place dans neuf autres grandes villes, ce dispositif de restriction doit être appliqué, avec plus ou moins de dureté, dans toutes les agglomérations de plus de 150.000 habitants d'ici à la fin 2024 . La régénération de près de 40 % du parc automobile (près de 40 millions de véhicules) est en jeu.
Des règles éloignées du terrain
A Paris et à Lyon, la pilule s'annonce difficile à faire passer. « Il y a une dichotomie entre la mise en place de la règle et la réalité du terrain », estime Etienne Diot, le délégué général de l'association Eco Entretien, commanditaire de ce sondage. Et le représentant de cette organisation, qui regroupe les professionnels de la prévention et la réparation automobile, d'observer que plus le véhicule est polluant, moins son propriétaire s'estime en capacité de financer son changement.
En Ile-de-France et en Rhône-Alpes (hors Auvergne), 38 % des détenteurs d'une voiture en Crit'Air 3 sondés par CSA indiquent ainsi ne pas pouvoir allouer un budget à l'achat d'un véhicule Crit'Air 1. Cette part monte à 42 % pour ceux qui possèdent une auto en Crit'Air 4 et 5. A peine plus d'un quart (27 %) des personnes impactées par les ZFE estiment pouvoir aller jusqu'à 3.990 euros, soit le prix d'une citadine d'occasion classée Crit'Air 1, pour se mettre aux normes.
Signe d'un risque de blocage, un automobiliste concerné sur deux (53 %) ne pense pas changer de véhicule. Et les alternatives offertes par les ZFE (transports en commun, covoiturage, vélo) pour lui éviter de prendre sa voiture ne les amèneront pas tous à adopter un comportement civique afin de circuler en toute propreté. Ainsi, « 17 % des conducteurs impactés se disent prêts à braver l'interdit et à risquer une amende de 68 euros », indique Etienne Diot, qui milite pour un système de dérogations basé sur une obligation d'entretien très rigoureuse du parc existant.
Dans la mêlée de la présidentielle
La difficile acceptabilité sociale des ZFE fait réfléchir les élus. En Ile-de-France, les restrictions de circuler qui devaient s'appliquer cet été aux véhicules étiquetés Crit'Air 3 ont été reportées à 2023 , sans calendrier plus précis. Le sujet s'est mis à faire débat dans la campagne électorale. Le dispositif des ZFE, tel qu'engagé, est sévèrement critiqué par les équipes de Fabien Roussel et Jean-Luc Mélenchon . A droite, les soutiens de Valérie Pécresse agitent le spectre d'un retour des « gilets jaunes ». Eric Zemmour et Marine Le Pen se sont déclarés pour la suppression des ZFE.
Une perspective peu réaliste compte tenu de l'enjeu sanitaire (40.000 décès prématurés par an dus aux particules fines émises par le trafic routier). Mais aussi des sanctions sous le coup desquelles se trouve la France pour non-respect des directives européennes sur la qualité de l'air. En août dernier, l'Etat s'est vu infliger une amende de 10 millions d'euros.
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