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Distribution automobile. Le contrat d'agent : la voie royale ? – L'argus PRO - L'Argus Pro

À l’image de Tesla, les marques Mercedes-Benz, BMW, Ford, Volvo ainsi que les groupes Stellantis et Volkswagen ont opté pour une nouvelle voie, plus directe, pour commercialiser leurs voitures neuves aux clients, celle du contrat d’agent (ou d’agence). La marque à l’étoile avait annoncé dès juillet 2020 vouloir modifier sa relation contractuelle avec son réseau, en transformant ses concessionnaires en agents. Ce modèle a déjà été adopté en Suède, en Autriche, en Afrique du Sud et en Inde, en attendant l’Allemagne et le Royaume-Uni à compter de 2023 (autour de 2025 pour la France) et Mercedes-Benz envisage de vendre 50 % de voitures dans ce cadre d’ici la fin de 2023. En mai dernier, la responsable des ventes et du marketing Europe de Stellantis, Maria Grazia Davino, a annoncé que le groupe allait adopter l’année prochaine un contrat d’agent pour la vente de VUL, ainsi que des modèles des marques premium Alfa Romeo, DS et Lancia au sein des principaux marchés en Europe. En Autriche, en Belgique et aux Pays-Bas, ce type de contrat sera institué en juin prochain pour la vente de l’ensemble des marques et des gammes. Dans une intervention récente, Jim Farley, P-DG de Ford, a annoncé son souhait de « passer à un prix non négociable et à une vente entièrement en ligne ».

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Les nouveaux contrats Volkswagen envoyés cet été

Les réseaux des marques du groupe Volkswagen vont vendre les modèles 100¿ % électriques dans le cadre d'un contrat d'agent.
Les réseaux des marques du groupe Volkswagen vont vendre les modèles 100 % électriques dans le cadre d'un contrat d'agent.

Le groupe Volkswagen s’est également engagé dans cette voie. Le réseau Cupra essuie les plâtres pour la vente de la Born et le « modèle agence » sera étendu aux autres marques fin 2022 pour la vente de voitures 100 % électriques. « Chaque marque disposera de son propre contrat, selon ses spécificités. Par exemple, le niveau de marges n’étant pas le même entre Audi et Volkswagen, celui des commissions sera distinct également, informe Gerrit Heimberg, directeur de Volkswagen France. Les contrats seront cependant assez proches et fortement harmonisés, à la fois à l’échelle du groupe et aussi des pays européens. Nous savons que nos clients cherchent davantage de transparence sur les prix. Avec cette approche, que nous jugeons plus efficace et efficiente, nous sommes convaincus que la gestion du stock sera plus pertinente et sa rotation beaucoup plus élevée, car nos partenaires pourront accéder au stock national pour trouver le produit recherché par leurs clients. En prenant ce virage, nous nous engageons à ce que notre réseau soit profitable et touche une rémunération identique par rapport à aujourd’hui ». Les nouveaux contrats d’agent seront envoyés aux réseaux du groupe Volkswagen cet été, un retour de signature est attendu jusqu’à fin septembre 2022. La vente des modèles qui ne sont pas 100 % électriques restera régi dans le cadre du contrat de distribution classique.

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La vente en ligne, un épiphénomène

En face, on retrouve les constructeurs qui ne veulent rien changer, du moins pour l’instant, privilégiant le maintien du contrat de distribution sélective quantitative qui encadre la vente de voitures neuves depuis 2002. C’est par exemple le cas de Renault-Dacia, Porsche, Suzuki, Mazda, Toyota, Kia et Hyundai. « Nous allons garder un contrat de distribution sélective et quantitative, et ce, afin de rester en ligne avec notre trajectoire. Nous allons continuer à nous appuyer sur nos distributeurs locaux pour délivrer aux clients l’expérience attendue. Les aménagements que nous serons amenés à intégrer par voie d’avenants concernent le développement des outils digitaux chez les concessionnaires », souligne ainsi Laurent Thézée, président de Mazda France.

En forte croissance en Europe et en France, la marque coréenne Kia ne souhaite pas changer un système qui gagne. « Nous avons décidé de repartir non pas avec un contrat d’agent mais avec un contrat de distribution, à l’image de celui que l’on avait précédemment. Nous continuons donc à considérer le réseau comme un élément indispensable du développement, rapporte Gaël du Bois de Beauchesne, directeur des ventes Kia France. Oui, il y aura des ventes en ligne mais aujourd’hui, pour être honnête, c’est un épiphénomène. Nous pensons toujours que la vente massive d’automobiles en ligne n’est pas pour tout de suite. Nous continuons donc à miser sur le réseau ». De son côté, Stéphane Magnin, directeur général de Suzuki France, assure que ce sujet n’en est pas un au sein de la marque : « Nous n’avons pas de problème particulier avec le contrat que nous avons actuellement et donc pas de raison fondamentale de le changer ».

Trois à quatre points de marge

Contrat distribution constructeur automobile
Le réseau Cupra vend le modèle électrique Born dans le cadre d'un nouveau schéma contractuel.

Le cabinet Roland Berger estime qu’à horizon 2030, près de 30 % des voitures neuves seront commercialisées dans le cadre de ce modèle d’agent. « Nous considérons que l’électrification des voitures constitue l’un des facteurs déclenchants de ce mouvement », analyse Olivier Hanoulle, partner au sein du cabinet Roland Berger. Que ce soit au sein du groupe Volkswagen (Cupra Born, gamme ID...), chez Ford (Mustang Mach-e), Volvo (Polestar) ou Smart (#1), l’adoption d’un contrat d’agent est directement liée à la vente d’une voiture électrique. « Les constructeurs sont encore dans une période un peu bénie où l’offre de voitures électriques est plus importante que la demande, ce qui leur permet d’enregistrer des marges supérieures à la normale, mais dans quelques années, quand on aura retrouvé une situation plus équilibrée, voire de surcapacité, leurs marges diminueront, entrevoit Olivier Hanoulle. Ce passage au modèle d’agent représente un des leviers pour accroître leur rentabilité future. À terme, ce sera une distribution plus efficace, plus rentable, mais il y aura une période transitoire pendant laquelle les constructeurs continueront de ventre des voitures de manière encore “traditionnelle”. Cela ne se fera pas du jour au lendemain ». Le cabinet estime que le constructeur qui adopte ce schéma peut gagner entre 3 et 4 points de marge, sur la base d’un coût de distribution évalué à 25 % du prix de vente d’un véhicule (dans une enquête réalisée en 2021, Mobilians estimait ces coûts de distribution à 7 %).

Captation de la donnée

Contrat distribution automobile concession
Patrice Mihailov, avocat au barreau de paris
Pour les constructeurs qui se sont engagés dans cette nouvelle voie, les enjeux sont multiples : accompagner la digitalisation du commerce automobile, toucher en direct le client final, avoir une meilleure maîtrise des prix, réduire les coûts de distribution, contrer l’arrivée de nouveaux entrants… Pour sa part, Marc Bruschet, président du groupement des distributeurs de Mobilians, identifie deux motivations principales : la fixation du prix de vente au détail et la captation de la donnée. Ce changement de modèle de distribution n’est pas sans risque pour le constructeur, qui va devoir porter les stocks de véhicules neufs. « La situation est pleine d’ironie car à l’occasion des deux règlements d’exemption précédents, en 2002 et en 2010, j’avais attiré l’attention de la Commission Européenne sur le fait que les constructeurs exigeaient de leurs partenaires des investissements excessifs dans les structures, en vue de décourager l’émergence de modèles de distribution alternatifs, aussi bien que de nouveaux entrants, soulève Patrice Mihailov, avocat au barreau de Paris. Avec la digitalisation du commerce, ils s’aperçoivent qu’ils ne sont plus à l’abri, ils changent de modèle et s’orientent vers une réduction des structures, apercevant désormais qu’elles sont inutiles, mais surtout, qu’ils vont devoir les payer. La première démarche de Stellantis est d’essayer de réunir un maximum de marques sous un même toit ».

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Superficies non-utilisées

Pour les constructeurs, qui sont avant tout des industriels, s’aventurer sur le terrain du commerce avec le client final n’est pas inné. « Pour que cela fonctionne, il faut qu’ils investissent à la fois dans le développement des systèmes informatiques, de call-center pour remplacer les organisations mises en place dans les réseaux, dans le renforcement de leurs équipes commerciales… », détaille Olivier Hanoulle. La petite raillerie, « si les constructeurs savaient vendre des voitures, ça se saurait », est de nouveau en vogue chez les concessionnaires, qui scrutent d’un air perplexe la mutation en cours. Les informations en provenance de la maison-mère tombent au compte-goutte, même si les constructeurs assurent que ces sujets sont abordés avec le réseau dans le cadre de groupes de travail, et les répercussions sur leurs activités difficiles à mesurer à ce stade.

Contrat distribution automobile
BMW France annonce être en phase de construction des nouveaux contrats de distribution avec le réseau.

L’inquiétude est réelle chez les opérateurs et ce d’autant plus que cette mutation intervient dans un contexte compliqué. « Comment ce contrat d’agent va-t-il être structuré ? Qu’est-ce que BMW va nous demander, à quelle échéance ? Le constructeur ne nous donne pas d’informations, rapporte un distributeur BMW. Mais imaginons qu’il nous dise que nous n’allons plus vendre d’autos, qu’il n’y aura plus de négociation tarifaire avec le client, que celui-ci viendra chez nous pour découvrir la voiture digitalement, l’essayer… Cela reste une hypothèse mais nous ne serons plus propriétaires de nos stocks, ni même de nos VD, nous n’allons plus facturer d’autos. Si on me demande d’exposer 3 VN dans un showroom qui peut en héberger 25, comme c’est le cas actuellement, la question va se poser de savoir ce que je fais des superficies non-utilisées. En 2013, avec BMW i, il n’y avait pas de concessionnaires, il s’agissait uniquement d’agents. Et cela n’a pas fonctionné, notamment parce que la marque n’avait pas mis les moyens humains et informatiques ».

Reprise en main des constructeurs sur le VO ?

Résiliés en juillet 2021 de leur contrat de vente et de distribution de services, les distributeurs et les agents des marques du groupes de Stellantis devraient signer le nouveau contrat d'agent commissionnaire en début d'année 2023. Selon le cabinet Roland Berger, le changement d’un statut de distributeur à celui d’agent n’aura pas de répercussions sur le business après-vente au sein des concessions. En revanche, la question se pose sur l’activité VO, qui n’est pas contractualisée aujourd’hui, mais qui pourrait le devenir à l’avenir. Cet « espace de liberté » cher aux distributeurs serait-il également menacé ?

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Marc  Bruschet, président du groupement des distributeurs de Mobilians

« Des évolutions positives en faveur d’un rééquilibrage »

L'argus. Le règlement européen d’exemption publié en mai change-t-il la donne pour les constructeurs qui s’orientent vers un contrat d’agent ?

Contrat agent concession distribution
Marc Bruschet, président du gouvernement des distributeurs de mobilians

Concernant les précisions apportées par la Commission européenne dans les lignes directrices relatives aux contrats d’agent, le premier bloc concerne la nature des risques à assumer ou à compenser par le fournisseur. Il est dit de façon très claire que le constructeur doit prendre en charge les risques liés aux investissements spécifiques à une marque mais aussi tous ceux relatifs à la commercialisation des véhicules neufs, c’est-à-dire propre au marché. L’autre précision importante concerne l’architecture de la rémunération de l’agent, qui distingue, d’un côté, la prise en charge des coûts directs propres au marché (publicité, signalétique, remboursement des surfaces d’exposition VN…) et, de l’autre côté, les montants versés à l’agent au titre de ses services d’intermédiation entre le constructeur et le client final. La Commission a bien précisé qu’il fallait distinguer ces deux éléments de l’architecture de la rémunération de l’agent. Sur ce point, elle a très clairement entendu les organisations représentatives des distributeurs, en partie Mobilians. Cela est de nature à apporter de la transparence dans les échanges futurs avec les constructeurs. Des discussions ont déjà été engagées et elles devraient, à mon avis, être remises sur la table car les précisions de la Commission sont importantes.

Ce règlement va donc plutôt dans le sens des distributeurs ? 

Pour la première fois depuis dix ans, nous avons été entendus par la Commission Européenne et écoutés sur certains points. Cela s’est donc traduit vers des évolutions positives en faveur d’un rééquilibrage, même partiel, de la relation contractuelle entre le constructeur et le concessionnaire.

Cette approche mixte avec, d’un côté, des contrats d’agent pour la vente voitures électriques et, de l’autre côté, un schéma traditionnel pour les thermiques, est-elle pérenne ?

Techniquement, rien ne s’oppose, il me semble, à ce que ces deux modes de distribution puissent cohabiter pendant une période transitoire. En revanche, sur le plan réglementaire, cette situation n’est pas pérenne puisque le Parlement européen a récemment voté la fin de la vente des véhicules thermiques en 2035. En Europe, nous allons assister à une extinction progressive de la gamme thermique au profit de l’élargissement des véhicules électriques.

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