Pour l'instant, tout va bien. Dans la guerre de propagande menée par le Kremlin, le "story telling" sur l'impact des sanctions occidentales sur l'économie russe est soigneusement peaufiné. Officiellement, la machine économique résiste tant bien que mal, l'envolée des cours des matières premières - pétrole, gaz et charbon - compensant largement la chute des livraisons. Et ce serait les Occidentaux, et en premier chef l'Europe, qui paierait le plus lourd tribut à cette guerre commerciale et économique. Voilà pour le discours officiel. La réalité est nettement moins rose.
Si la Russie a réussi à réorienter une partie de ses exportations de pétrole vers l'Asie (Chine et Inde notamment) à des prix bradés, des pans entiers de l'industrie russe sont frappés de plein fouet par la dureté des sanctions et notamment l'embargo européen sur les exportations de composants. C'est le cas de l'industrie automobile. En l'espace de six mois, elle s'est littéralement effondrée. "Le marché a dégringolé de 70% en juillet par rapport aux chiffres de juillet 2021", observe Igor Yurgens, économiste et président de l'association des compagnies d'assurance russes. D'après les chiffres compilés par le cabinet Sia Conseil, les ventes des constructeurs étrangers ont plongé : - 89 % sur les cinq premiers mois de l'année 2022 pour Skoda, - 84 % pour Renault, - 91 % pour Volkswagen. La production dans les usines russes aurait, elle aussi, chuté de 56 % entre janvier et la fin avril par rapport à la même période de 2021, avec des conséquences en chaînes auprès des fournisseurs et sous-traitants.
"Les usines tournent au ralenti"
"Cet effondrement n'est pas anodin car le marché automobile russe se classait avant la guerre au huitième rang mondial", observe Jean Pierre Corniou, directeur général adjoint du cabinet Sia Conseil. Une étude du cabinet EY réalisé en 2019 détaillait alors le potentiel de ce marché alors que le taux d'équipement de la population russe est nettement plus bas qu'en Occident : 371 voitures particulières pour 1000 habitants, contre 642 en Europe de l'Ouest et 928 en Amérique du Nord.
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"Aujourd'hui, les usines tournent au ralenti", poursuit Jean Pierre Corniou. Surtout ce sont des voitures neuves "dégradées" qui arrivent dans les concessions : faute d'accès aux composants, les véhicules neufs n'ont plus de systèmes de freins ABS, plus d'Airbag, plus de système antipatinage, plus de capteurs antipollution sur les pots d'échappement. Des véhicules qui n'auraient pas le droit d'être vendus sur le marché européen. Dans l'ex-usine Renault de Moscou, cédée à la ville, une vieille marque de l'époque soviétique - Moskovitch - pourrait faire tourner les machines pour produire des véhicules électriques... Sauf que les premières voitures ne sortiront pas de l'usine avant 2024, dans le meilleur des cas.
Le casse-tête de la réparation
Sur le marché de la réparation, la situation vire au cauchemar pour les propriétaires de voitures étrangères. Les pièces détachées commencent à manquer alors que les stocks sont vides chez les garagistes. Comme au temps de l'URSS, un système d'importations parallèles (voire de contrebande officielle) de pièces détachées est en train de renaître. Avec des composants qui viennent de Turquie, d'Inde, d'Arménie ou du Kazakhstan. "Sauf qu'elles coûtent beaucoup plus cher et arrivent au bout de deux ou trois mois", déplore un observateur russe qui préfère garder l'anonymat.
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Combien de temps la Russie peut-elle tenir ? "Les pénuries vont vraiment commencer à se faire sentir en novembre", estime Igor Yurgens. A Moscou, une vieille blague soviétique fait fureur: "Vous, en Occident vous viviez mieux que nous mais, nous, en Russie, nous souffrons mieux que vous".
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