C’est sur la pointe des pieds que Fest débarque en Europe. Cette entreprise singapourienne, spécialisée dans les véhicules utilitaires électriques, ne fait pas de bruit, mais agit. Alors que de nombreuses marques asiatiques communiquent largement avant même d’avoir produit le moindre véhicule, Fest dispose déjà d’un réseau de 32 concessionnaires en France, constitué en quelques mois. Une belle performance. « Nous voulons miser sur la qualité de service auprès des clients, explique Julie Canet, responsable marketing France de Fest. L’utilitaire est un outil de travail pour les professionnels. Le service après-vente doit être au rendez-vous : les immobiliser est impensable. »
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D’ici fin 2024, le réseau comportera 80 points de vente et d’entretien. De quoi recouvrir la quasi-totalité de l’Hexagone. Avec un siège social installé à Versailles, Fest a choisi la France pour sa première implantation européenne, jugeant que notre marché est celui qui offre le plus de débouchés, tant en termes de ventes que par l’abondance d’infrastructures de recharge.
Le Fest E-Box M n'est pas plus grand qu'un Renault Kangoo, mais il affiche le volume intérieur d'un modèle de capacité supérieure. Crédit: Nicolas Meunier/Challenges
La concurrence est rude, avec d’autres marques asiatiques qui lorgnent le gâteau des utilitaires électriques. Mais Fest n’est pas si mal placé. DFSK, filiale de Dongfeng distribuée par l’importateur toulousain SN Diffusion, consent actuellement de grosses remises pour écouler les stocks. Le réseau trop réduit n’a pas réussi à convaincre. BYD s’apprête à commercialiser l’ETP3, mais il y a de fortes chances qu’il passe au second plan pour un constructeur qui base son offensive sur les voitures particulières. Seul Maxus, filiale de SAIC (également propriétaire de MG), annonce de véritables ambitions sur le créneau, avec une gamme complète.
Un seul modèle au catalogue, le E-Box M produit par le chinois Wuling
Pour l’instant, Fest ne propose qu’un seul modèle au catalogue, dénommé E-Box M. Son look est un peu désuet pour un modèle qui arrive sur le marché, mais il y a une explication à cela : ce modèle est issu du catalogue Wuling, c’est un alter ego du EV50 vendu en Chine, lui-même dérivé du Rongguang lancé en 2008. Ce partenariat industriel prouve la solidité de Fest. Longtemps, Wuling a été la marque numéro 1 des ventes en Chine, grâce au monospace compact Hongguang. Ce partenaire de General Motors en Chine a régulièrement écoulé plus d’un million de véhicules par an.
Certains pros, habitués à des portes battantes, pourront être déroutés par le hayon. Crédit: Nicolas Meunier/Challenges
Avec une largeur limitée à 1,61 mètre pour une hauteur de 1,90 m, le Fest E-Box M semble étonnamment étroit par rapport aux utilitaires européens. C’est un atout pour se faufiler en ville, même si cela a pour contrepartie de limiter la cabine à seulement deux places. Les professionnels ayant nécessairement besoin de trois places sont toutefois minoritaires.
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Dans le compartiment arrière, la largeur est suffisante pour emporter deux palettes. « Les dimensions sont à peu près celles d’un Renault Kangoo, mais le volume de chargement de 4,7 m3 est comparable aux modèles de la catégorie supérieure, comme le Citroën Jumpy », souligne Julie Canet. Ce, malgré l’implantation de la batterie au niveau du plancher arrière, alors que le Wuling Rongguang est d’abord né comme un fourgon à moteur essence.
Ce grand volume dans une longueur contenue à 4,23 m fait donc vraiment du Fest E-Box M une monture idéale pour les livreurs en ville. La batterie lithium fer-phosphate, d’une capacité de 41,86 kWh, promet une charge de 20 à 80 % en 45 minutes et une autonomie de 270 km sur le cycle WLTP. « Les livreurs effectuent à peu près tous la même distance de 150 km en une journée. L’autonomie est donc parfaitement adaptée à leurs besoins », poursuit Julie Canet.
Une formule de location… sans aucun dossier financier à fournir
Plus que le fourgon, relativement classique en lui-même, c’est le mode de vente choisi par Fest qui se distingue de la concurrence. Il est certes possible d’acheter son E-Box M contre 28 400 € HT (et hors bonus de 3 000 €). Des offres de crédit (497 €/mois sur 60 mois avec 9 000 € d’apport) ou de location avec option d’achat (497 €/mois sur 60 mois avec 9 000 € d’apport) sont également proposées.
Mais le plus surprenant concerne la formule « Fest Rent ». Tout est compris, dont l’assurance, et aucun dossier financier n’est réclamé pour cet abonnement sans engagement à 750 €, qui n’est pas sans rappeler ce que propose Lynk & Co dans le monde de l’automobile ! Comme chez ce dernier, la carte grise reste d’ailleurs au nom du constructeur. Mais Fest a la délicatesse de ne pas facturer de frais de dossier pour le traitement des amendes.
L'autonomie est à même de satisfaire les livreurs, qui parcourent en moyenne 150 km par jour. Crédit: Nicolas Meunier/Challenges
« Avec cette offre, nous nous adressons spécifiquement aux jeunes entreprises qui n’ont pas de bilan, explique Julie Canet. Le premier loyer de 5 200 € (minoré du bonus de 3 000 €, ndlr), non remboursable, permet d’éviter qu’on nous retourne le véhicule au bout de deux mois. Mais il y a évidemment un risque. En cas de cessation d’activité au bout de moins d’un an, qui impliquerait un changement de carte grise pour revendre le véhicule d’occasion, il faut rembourser le bonus gouvernemental. C’est une éventualité que nous avons prise en compte pour toucher cette clientèle à qui personne ne s’adresse aujourd’hui. »
Le côté rustique du Fest E-Box M séduit les pros
Ces jeunes entreprises, qui n’ont en dehors de Fest pas d’autre choix que se tourner vers un véhicule d’occasion diesel parfois très kilométré et en mauvais état, ne se formaliseront pas de l’aspect rustique du E-Box M. Ce ne sont pas les seuls. « Nous avons souvent remarqué, en particulier avec les entreprises du bâtiment, que les beaux utilitaires dernier cri souffraient. Leurs beaux écrans sont parfois cassés au bout de quelques semaines seulement. Le côté basique de notre véhicule est donc un atout pour certains clients », assure Julie Canet.
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L'intérieur est basique, mais fonctionnel. La cabine est un peu courte pour les grands gabarits. Crédit: Nicolas Meunier/Challenges
Certes, les portières apparaissent légères et le mobilier simplissime. Mais un bref essai nous a convaincu que le véhicule était bien né. Maniable en ville, il offre une tenue de route saine (même sous la pluie à vide) et une motricité convaincante. Le moteur de 82 ch offre une vivacité tout à fait décente, y compris sur voie rapide, mais la vitesse maximale est bridée à 90 km/h (96 km/h compteur), ce qui limite le rayon d’action à un usage périurbain. Après tout, un Ford e-Transit plafonne à la même allure…
Objectif : devenir le Tesla de l’utilitaire
Ce véhicule bien conçu mais basique ne constitue toutefois pas l’avenir de Fest, dont le « T » de son nom signifie « Technologie ». La marque n’a en effet pas pour vocation à éternellement rebadger des modèles produits par Wuling. « Nous poursuivrons à l’avenir notre partenariat avec Wuling, qui continuera à produire nos utilitaires, révèle Julie Canet. Mais ce seront alors des modèles de notre conception, à l’aspect bien plus technologique. Nous constatons qu’aujourd’hui, il n’y a pas encore de Tesla du véhicule utilitaire. Il semble évident qu’il y en aura un à l’avenir, que ce soit nous ou un autre acteur. »
Malgré son étroitesse, le Fest E-Box M présente un comportement sécurisant et des performances correctes. Crédit: Nicolas Meunier/Challenges
Ce modèle qui sera lancé à l’horizon 2025 aux côtés du E-Box M sera proposé en trois longueurs, avec une plateforme spécifique. Conçue dès le départ pour être uniquement électrique, elle disposera d’un châssis extensible incluant la batterie, qui permettra de proposer ce futur fourgon en trois longueurs. Aussi, la connectivité sera de la partie. Dès aujourd’hui sur le E-Box M, Fest propose une application à la destination des gestionnaires flottes, capable de contrôler à distance les besoins de maintenance de chaque véhicule, ainsi que ses statistiques de performance au cours de la journée. Voilà qui devrait être encore plus poussé lors de la prochaine génération.
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Fest avance avec une prudence qui tranche avec la plupart des start-up qui foncent dans le domaine de la voiture électrique. Il n’y a pas de maquette de style spectaculaire ou de levée de fonds massive. Que du concret. Le E-Box M est un utilitaire sans prétention autre que de correspondre aux besoins de ses clients… Ce qui constitue l’essence même de la vente automobile ! Comme Tesla a, en son temps, débuté avec le Roadster, qui n’était autre qu’une Lotus Elise électrifiée, la marque singapourienne avance par étapes, en engrangeant de l’expérience avec un modèle qu’elle n’a pas conçu à 100 %. Cette voie de la sagesse pourrait bien être la voie du succès.
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