Maserati ressemble à une éternelle belle endormie. Régulièrement, la marque italienne annonce une nouvelle stratégie promettant une véritable révolution. Mais, systématiquement, elle se cantonne au rôle d’une alternative décalée aux blasons les plus mythiques. Pourtant, le Trident ne manque ni de charme ni d’histoire : l’officine a été fondée en 1914, quelques mois après Aston Martin et… trente-sept ans avant Ferrari.
Sans doute, l’encombrante marque au cheval cabré a coupé les ailes à Maserati. Certes, les voitures au Trident avaient droit à de beaux moteurs V8 sortant des ateliers de Maranello. Mais, les deux marques étant liées au Groupe Fiat, une persistante contrainte de hiérarchie laissait Maserati dans l’ombre. Enfin, tout a changé. Ferrari ayant pris son indépendance après une entrée en bourse en 2015, Maserati devient l’unique joyau de Stellantis. D’autre part, la stratégie de Sergio Marchionne, qui voulait courir après les volumes avec des modèles plus abordables, s’est révélée un échec. Désormais, le cap est clair : la marque de Modène a pour ambition de se placer parmi les plus luxueuses, à égalité avec Ferrari, Aston Martin et Bentley.
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La nouvelle GranTurismo porte ces espoirs. Grand classique de la gamme Maserati, cette deuxième génération remplace un modèle âgé de 16 ans… Quoique 100 % nouvelle, cette nouvelle mouture se distingue à peine, esthétiquement, de sa devancière. Seuls les spécialistes noteront les phares désormais verticaux, la poupe affinée ou encore le capot moteur qui englobe les ailes. On ne touche pas à une œuvre d’art ! Ce qui pourrait passer pour de la timidité de la part des stylistes n’est autre que du bon sens. Cette GT italienne traverse les années avec tant d’élégance, qu’il eût été criminel d’altérer son profil.
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Une vraie quatre places, pas une 2+2
Sous cette silhouette basse (1,35 m) et longue (4,96 m), on aurait pu imaginer un espace compté. Pourtant, cette italienne avance presque des qualités de familiale. Ce n’est pas une 2+2, comme l’est une Porsche 911, mais une vraie quatre places, comme une Bentley Continental GT. Certes, cette dernière se montre un peu plus logeable, mais on peut envisager des voyages à quatre adultes, le coffre de 310 litres se révélant correct pour la catégorie.
L'intérieur est agréable, mais il manque un soupçon d'exclusivité pour rivaliser avec Bentley et Aston Martin. Crédit: Nicolas Meunier/Challenges
A bord, les matériaux nobles envahissent l’habitacle. Le cuir est splendide, les inserts décoratifs en carbone tressé (ils sont spécifiques à la version Trofeo, la plus puissante), également. Mais il manque un brin d’exclusivité : l’écran central (au logiciel partagé avec la Fiat 500e, tout comme les boutons d’ouverture des portes et ceux de la commande de boîte) est un peu long à la détente. La zone tactile qui commande la climatisation est certes facile d’utilisation, mais elle attire trop les traces de doigts. Finalement, de jolis boutons traditionnels se rapprochent plus de l’idée que l’on se fait du luxe.
Surtout, les possibilités de personnalisation sont limitées. Trois teintes de cuir et autant d’inserts décoratifs, c’est bien trop peu par rapport au choix infini proposé par Aston Martin ou Bentley en matière de selleries et de boiseries. Encore un petit effort, alors que Maserati propose déjà un nuancier de couleurs extérieures aussi riche que pertinent.
Un nouveau V6, pas aussi mélodieux que l’ancien V8
En se fournissant chez Ferrari, Maserati nous a habitués à des mécaniques d’exception. Cette nouvelle GranTurismo fait cette fois appel à un moteur maison. Inauguré sur la MC20, le V6 « Nettuno » (Neptune, en italien, le dieu au trident) est ici dans une version à peine assagie. Disposant d’un carter humide comme sur le Grecale Trofeo (carter sec sur la MC20, plus destinée à un usage sur circuit), ce moteur biturbo avance ici une puissance de 550 ch (490 ch sur l’entrée de gamme Modena). Il conserve toujours l’originalité d’une préchambre de combustion, pour améliorer son rendement.
Le V6 déçoit par son timbre de trois-cylindres à bas régimes. Mais il apparaît vigoureux et s'éclaircit à l'abord du compte-tours. Crédit: Nicolas Meunier/Challenges
Le démarrage se fait de manière théâtrale, en pressant un bouton placé sur une branche du volant. Ce rituel qui rappelle la mise à feu d’un moteur de compétition s’accompagne d’une petite déception. Les mécaniques les plus nobles s’ébrouent généralement avec un aboiement qui flanque la chair de poule. Ici, le son émis s’apparente plutôt à un grognement. Certes, l’angle d’ouverture du V à 90° (choisi pour abaisser le centre de gravité) n’est pas le meilleur moyen d’équilibrer un V6. Un système de désactivation fait tourner le moteur sur trois cylindres pour diminuer la consommation à faible charge. Mais le râle du Nettuno rappelle un peu trop souvent celui d’un trois-cylindres sportif comme ceux de la Ford Fiesta ST ou de la Toyota GR Yaris.
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C’est véritablement au-delà de 5 000 tr/min que sa voix s’éclaircit, qu’il offre un timbre à la hauteur d’une diva italienne. Voilà un moteur qui nécessite d’être cravaché pour qu’il chante de la plus belle manière… Cela semble un peu contradictoire avec la philosophie de cette GranTurismo, qui n’a rien d’une sportive radicale. Elle se targue d’offrir le plus grand confort lors des longs voyages, y compris en conduite coulée.
Confort et sportivité au programme
A chaque démarrage, c’est le même mode de conduite, dénommé GT, qui est sélectionné par défaut. Sur le papier, celui-ci promet un compromis idéal entre confort et sportivité. La suspension place les ressorts pneumatiques dans un réglage souple, alors que les valves des amortisseurs pilotés sont ouvertes. Las, la mise au point confond confort et relâchement. Les grandes roues (20 pouces à l’avant, 21 pouces à l’arrière) rebondissent à la moindre irrégularité. Sur chaussée dégradée, le contact avec le bitume est parfois aléatoire, conduisant à une trajectoire flottante même à basse vitesse, avec un train arrière qui se décale en plein virage. Sur les ralentisseurs, on atteint souvent les butées par la faute de ce tarage bien trop mou. Attention, le bas de caisse risque de frotter à la descente !
En mode Corsa, cette lourde GT fait preuve d'une agilité réjouissante... Même si sa masse reste sensible au freinage. Crédit: Nicolas Meunier/Challenges
Le phénomène est très nettement atténué en mode Sport, qui raffermit les amortisseurs tout comme les ressorts. Non seulement le filtrage est de bien meilleure qualité, mais la précision de conduite est supérieure. Les mouvements de caisses désordonnés sur route bosselée ne sont qu’un mauvais souvenir, alors que la direction, dont l’assistance est moins présente, gagne en précision.
Alors, on touche du doigt l’excellence de l’équilibre du châssis. Cette Maserati s’inscrit en courbe avec vivacité, communique de manière parfaite en appui, avant de réaccélérer de manière impeccable, grâce à la transmission intégrale qui garantit une motricité sans faille. Seule la largeur importante (1,96 mètres) se révèle pénalisante sur les routes étroites. La GranTurismo mérite amplement son nom, enchaînant les kilomètres avec rapidité, confort et panache.
Un merveilleux compromis en mode Corsa
Il existe encore un quatrième mode de conduite, dénommé Corsa, destiné comme son nom l’indique à exploiter au maximum les performances de cette belle italienne. La suspension se fait alors subtilement plus ferme, tout en conservant un confort très acceptable. La boîte automatique ZF à huit rapports (que l’on peut commander à l’aide de très belles palettes au volant), d’une douceur soyeuse dans les autres modes de conduite, assène ici des à-coups à chaque changement de rapport, pour mettre l’aspirant pilote dans l’ambiance. Surtout, les aides à la conduite se font moins présentes et la transmission intégrale donne la prépondérance du couple sur le train arrière.
Les jantes sont d'un diamètre de 20 pouces à l'avant, et 21 pouces à l'arrière. Crédit: Nicolas Meunier/Challenges
Voilà un réglage qui délivre la quintessence de la GranTurismo. L’agilité et la stabilité du châssis se combinent cette fois à un tempérament de propulsion réjouissant. A l’accélération en sortie de virage, une légère dérive du train arrière aide cette grande GT à pivoter. Un régal ! Cette Maserati offre alors des performances dignes d’une sportive, sans radicalité : elle répond à la moindre injonction, enchaînant les kilomètres de virages sans fatiguer son conducteur. Remarquable. Nul n’est tenu à la perfection toutefois… On regrette alors le tempérament un peu trop linéaire du V6 (en mode manuel, on atteint le rupteur sans s’en rendre compte), et l’inertie un peu trop importante au freinage. Il faut dire qu’avec ses 1.795 kg, la GranTurismo Trofeo n’a rien d’un poids plume…
Un tarif presque doublé d’une génération à l’autre
C’est sûr, cette Maserati GranTurismo est imparfaite. Si on voit le verre à moitié vide, on regrette le manque de lyrisme de son moteur, ou encore l’amortissement trop lâche par défaut… Alors qu’une Porsche 911 Carrera 4 GTS offre peu ou prou les mêmes performances (0 à 100 km/h en 3,3 secondes pour l’allemande, 3,5 secondes pour l’italienne, vitesse de pointe supérieure à 300 km/h dans les deux cas), pour beaucoup moins cher. Car en changeant de génération, la GranTurismo a revu ses tarifs très à la hausse : 225 650 € hors options en version Trofeo, c’est près de 100 000 € de plus que la précédente mouture, 90 000 € de plus qu’une BMW M850i xDrive et près de 60.000 € de plus que la 911 Carrera 4 GTS.
Le trident s'affiche sur la custode, une tradition chez Maserati. Crédit: Nicolas Meunier/Challenges
Avec ses nouvelles ambitions tarifaires, la Maserati GranTurismo se positionne en rivale directe des Bentley Continental GT V8, Aston Martin DB12 et Ferrari Roma. Il manque peut-être un soupçon d’exclusivité à bord pour se hisser à la hauteur de ces pur-sang. Mais la GranTurismo présente un compromis entre sportivité et habitabilité qui n’appartient qu’à elle. Seule la Bentley offre plus d’espace, mais elle n’a pas le même talent sur les itinéraires sinueux… et si son V6 fait regretter le précédent V8, il délivre tout de même un caractère que certains rivaux peuvent lui envier.
Si on ajoute à cela un équipement de technologie ultra-complet (une première chez Maserati !) et une consommation raisonnable sur autoroute, moins sur route (respectivement 10 l/100 km et 15 l/100 km en conduite coulée), on finit par comprendre le véritable intérêt de ce grand coupé au trident… Qui aura tout de même peine à détacher les Porschistes de leur monture préférée. Aussi inoxydable que performante, disponible dans une myriade de versions, qui ne perdent que très peu de valeur en occasion au fil des ans, la 911 reste une référence parmi les références. La nouvelle GranTurismo est un joli pas en avant, mais il faudra encore quelques années pour faire de Maserati une icône incontournable du luxe automobile. Les modèles électriques, encore inédits chez les rivaux, pourront aider le trident à creuser son trou. Nous avons hâte de voir si la GranTurismo Folgore à batterie est à la hauteur du mythe !
Proche esthétiquement de sa devancière, cette nouvelle Maserati GranTurismo adopte des phares verticaux, comme le Grecale. Crédit: Nicolas Meunier/Challenges
- Equilibre châssis remarquable
- Style très élégant
- Quatre vraies places
- Compromis confort/sportivité
- Sonorité moteur à bas régimes
- Suspension trop lâche en mode confort
- Tarif très élevé
- Peu de personnalisation intérieure
- Performances4/5
- Comportement routier4/5
- Confort4/5
- Aspects pratiques4/5
- Prix/équipements1/5
- Qualité de présentation4/5
- Consommation3/5
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