
Après la politique agricole, un autre pan du grand « plan vert » de l'Union européenne se trouve menacé par la foudre. L'interdiction de vendre des voitures essence ou diesel en 2035, fixée dans la loi européenne par un règlement publié en avril 2023, s'est transformée en sujet de campagne des élections européennes. Elle est remise en cause par une coalition d'opposants à la voiture électrique penchant à droite et au-delà.
Côté politique, les deux groupes d'extrême droite que sont les Conservateurs et réformistes européens (Reconquête, Fratelli d'Italia, les Espagnols de Vox, PiS polonais) et Identité et démocratie (RN, AFD en Allemagne, Ligue en Italie) poussent pour prolonger les voitures thermiques.
Le PPE ne veut pas se dédire
Reléguant sur le bas-côté la lutte contre le réchauffement climatique, les premiers martèlent que « le moteur à combustion est un témoignage de la créativité européenne » et devrait rester « viable pendant encore des années ». Les seconds pointent un des défauts de la voiture électrique - son prix encore très élevé - pour brocarder une « mesure discriminatoire et d'exclusion sociale ».
Dans la roue des populistes, de puissants membres du Parti populaire européen (PPE, droite, premier groupe sortant au parlement) veulent aussi revenir sur l'interdiction du moteur thermique en 2035. Le parti a pourtant oeuvré en faveur de la fin du thermique sous la mandature de la présidente de la Commission européenne issue de ses rangs, qu'il a installé à la tête de sa liste aux européennes, Ursula von der Leyen .
A bord du PPE, le duo allemand CDU-CSU voudrait annuler 2035 pour continuer à bénéficier de la « technologie de pointe allemande du moteur à combustion ». En France, la tête de liste LR, François-Xavier Bellamy, a pilonné une « contrainte dangereuse », « grave contresens industriel, social et écologique ». CDU, CSU et LR n'ont toutefois pas réussi à pousser le PPE à se dédire, moins d'un an après la publication de la mesure au journal officiel européen. L'abandon de 2035 ne figure pas dans le programme du parti.
Contexte économique morose
Centristes, gauche et écologistes défendent au contraire mordicus l'échéance. Donner un coup de frein sur l'électrique, a insisté lundi dernier le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, « c'est être pieds et poings liés » avec « les pays producteurs de pétrole » d'une part et « les grands constructeurs étrangers totalement engagés dans les véhicules électriques ».
Du côté des soutiens, on retrouve également les pays d'Europe de l'Est qui reçoivent les investissements des groupes chinois visant le Vieux Continent. La Hongrie de Viktor Orban en tête.
Le débat politique vient se calquer sur un contexte économique morose pour les voitures électriques. Après la fin brutale du bonus à l'achat en Allemagne, fin 2023, les ventes patinent en Europe. Jadis enthousiastes, les marchés financiers regardent désormais avec méfiance la montée en puissance de cette technologie zéro émission. Celle-ci émousse la rentabilité des constructeurs, la faute aux lourds investissements nécessaires.
Des constructeurs pris à contrepied
Les groupes automobiles et leurs plus gros sous-traitants sont pris à contre-pied par la montée de l'opposition politique aux voitures à batterie. Ces dernières années, ils ont investi des milliards d'euros pour construire de concevoir des plateformes automobiles électriques, adapter leurs usines et construire des gigafactories de batteries. Ils ont besoin maintenant de faire tourner leurs lignes de production.
« Nous passons notre temps à expliquer à des politiques qui croient nous faire plaisir en remettant tout en cause que cela n'est pas si simple que cela », glisse un acteur français du secteur. « Arrêtez de changer les règles, ou de laisser penser qu'elles pourraient changer », a dernièrement enjoint aux politiques le patron de Stellantis, Carlos Tavares. Tout en se disant prêt à adapter ses plans en fonction de la majorité qui sortira des élections européennes.
Ce que demandent certains industriels, plutôt allemands comme Volkswagen ou BMW, c'est un peu plus de temps. Ils peuvent compter sur le commissaire européen Thierry Breton, sceptique dès le départ sur l'échéance de 2035. Ce dernier est maintenant chargé de produire une analyse de situation destinée à alimenter d'éventuelles futures décisions à prendre dans le cadre d'une clause de « revoyure » prévue pour 2026.
Les e-fuels en panne
Entretemps, les Etats membres devront trouver un terrain d'entente autour des « actes délégués » sur les carburants synthétiques . L'Allemagne a décroché de force que les voitures roulant à l'e-fuels, fabriqués à partir de CO2 capté à la sortie d'usines, puissent continuer à rouler après 2035.
Ces projets de textes annexes se trouvent aujourd'hui au point mort depuis des mois, faute d'accord entre les Etats membres. Si cela n'entrave pas l'application du règlement sur 2035, leur absence est problématique pour les constructeurs qui ne savent plus sur quelle roue avancer. Toutefois, les e-fuels coûtant très cher à produire, ils devraient n'être utilisés que par les propriétaires de grosses cylindrées thermiques de luxe, comme les Porsche ou les Ferrari.
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