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Nissan et Renault évitent le chaos - Le Point

Saikawa a pour l'instant sauvé sa tête, Sénard a abandonné son droit à diriger l'alliance et les 2 800 actionnaires ont approuvé la recherche d'une nouvelle coopération.

On prend les mêmes et on recommence. Tel est le bilan de l'assemblée générale des actionnaires de Nissan, où le tombeur de Ghosn, Hiroto Saikawa, qui risquait sa tête, a réussi à la sauver. Le patron de Nissan a, à cette occasion, une fois de plus déployé son sens de la manœuvre en laissant entrouverte mardi la porte aux discussions sur la structure future de l'alliance avec Renault.

Toujours clairement opposé à une fusion, Hiroto Saikawa avance certes encore la nécessité de redresser Nissan d'abord, mais il a semblé adoucir sa position sur le calendrier des discussions lors de l'assemblée générale ordinaire à Yokohama (banlieue de Tokyo), dont certains pronostiquaient un règlement de comptes feutré, à la japonaise.

« Nous avons repoussé les discussions (sur l'avenir de l'alliance), mais ce report peut engendrer un affaiblissement de la coopération et affecter les opérations au quotidien », a lancé M. Saikawa, soufflant dans la même phrase le chaud et le froid. Il s'est dit néanmoins disposé à reprendre le dialogue avec le président de Renault, Jean-Dominique Senard. Comprenez par là le plus vite possible, car, à l'échelon industriel, tout retard pourra se payer très cher à l'arrivée.

« Nous devons trouver une structure qui rende l'alliance pérenne: devons-nous revoir les participations croisées  ? Peut-être, peut-être pas », a précisé le patron de Nissan comme s'il ouvrait un parapluie. « Si le déséquilibre devient un facteur d'instabilité, alors nous mettrons le sujet sur la table. » Comme on le sait maintenant depuis qu'il y a tiraillements publics entre les deux constructeurs, Renault détient 43 % de Nissan, mais ce dernier ne possède que 15 % du groupe au losange et pas de droit de vote.

Dans le même temps, Hiroto Saikawa a toutefois tenu à rassurer des actionnaires inquiets, l'un d'entre eux l'appelant à « ne pas sacrifier Nissan ». « Nissan restera Nissan, il n'y a pas de changement sur ce point », a répondu le patron du groupe japonais, insistant sur « l'autonomie » des différents membres de la première alliance automobile au monde, qui compte aussi Mitsubishi Motors.

Senard proteste de sa bonne foi

M. Senard a, lui, été interpellé par un participant très remonté après les récents événements : une proposition d'intégration dont Nissan ne voulait pas, puis un projet de rapprochement avec Fiat Chrysler dont Nissan n'avait pas été informé et enfin une menace de blocage de l'AG.

« En tant qu'administrateur de Nissan, quelle est votre mission, M. Senard  ? » s'est énervé ce petit porteur, parlant même de « la sournoiserie des Français ». « Les six premiers mois, vous auriez dû prendre le temps d'observer et de bâtir une relation de confiance. »

Le responsable de Renault a assuré de sa bonne foi, de sa volonté de tout faire « pour le bien » de la compagnie nippone. « Depuis que je suis arrivé, j'ai tout fait pour apaiser » les tensions de l'alliance, a-t-il dit, soulignant notamment avoir « abandonné son droit » à présider Nissan.

Quant à une fusion avec FCA, « cela aurait été un projet formidable pour Nissan et pour l'alliance », a estimé M. Senard, regrettant « cette occasion perdue ». « Je vous prie de me croire, je n'avais aucune intention agressive, a-t-il répété à plusieurs reprises. Je m'excuse une nouvelle fois si vous en éprouvez du ressentiment à mon égard. »

Enfin, sur la réforme de gouvernance, le président du conseil d'administration de Renault voulait simplement « équité et parité », a-t-il justifié.

Chaos évité à Macron

C'était au mois de mars dernier mais, derrière sourires et poignées de mains, rien n'a été fait depuis pour sauver l'Alliance Renault Nissan Mitsubishi 

© BEHROUZ MEHRI / AFP

Les deux parties sont finalement parvenues à un compromis, et la réunion, qui a duré un peu plus de trois heures, s'est conclue sur un vote positif de la réforme par Renault. Le chaos a donc été évité à la veille de l'arrivée au Japon du président français Emmanuel Macron, qui vient délivrer un message clair : « l'attachement fort de la France à l'alliance » née il y a 20 ans.

Selon l'accord trouvé, Jean-Dominique Senard, mais aussi le directeur exécutif de Renault, Thierry Bolloré, siégeront au sein de deux des trois comités créés pour renforcer les contrôles internes (nominations, audit et rémunérations). L'adoption de ce nouveau schéma de gouvernance marque l'aboutissement dans la douleur d'une réforme déclenchée par l'arrestation de l'ancien patron de Nissan, Carlos Ghosn, accusé d'avoir abusé de son pouvoir à des fins personnelles.

Les actionnaires – plus de 2 800 s'étaient déplacés – ont aussi validé la nouvelle composition du conseil d'administration, profondément remanié et élargi à onze membres, dont sept administrateurs externes.

Malgré les critiques, Hiroto Saikawa a été reconduit. Cet ancien fidèle de M. Ghosn – qui lui avait passé les commandes exécutives au printemps 2017 – veut rester à son poste pour sortir le groupe des embûches, mais il a promis de préparer au plus vite « un plan de succession » après ce « jalon majeur » de l'AG.

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