Banques, jeunes pousses et géants de la Tech veulent se faire une place dans les «nouvelles mobilités». Les constructeurs cherchent la riposte. Voici comment profiter de ces tendances en Bourse.
Les analystes et investisseurs qui s’intéressent au secteur parlent d’un «carré d’as» de ruptures (ACES, en anglais) pour illustrer la série de chocs qui frappent l’automobile.
Autonome (A), connectée (C), électrique (E) ou servicielle (S), comme la mobilité partagée, l’automobile du XXIe siècle quitte le seul champ industriel pour embrasser un terrain de jeu bien plus large, celui des services.
Pour l’heure, l’électrification fait figure de rupture la plus avancée. La batterie concentre, selon les experts, la moitié de la valeur des nouveaux véhicules. Ce poids va se réduire avec l’innovation et les effets d’échelle. Mais demain, avec les voitures connectées, où se situera la valeur ajoutée ? Dans les performances de vitesse, la ligne, l'esthétique ? De moins en moins. Dans l’autonomie ? Insuffisant.
Dans une étude de 2021, le BCG estimait que la taille du marché automobile mondial progresserait de 56% entre 2019 et 2035, pour atteindre 11.151 milliards d’euros à cette échéance. Un bond de 5.000 milliards, alimenté par l’électrique, la multiplication des nouveaux services (connectivité, chargement, etc.) ou la «mobilité en tant que service».
L’aube de nouveaux services
Les investisseurs ne s’y sont pas trompés en propulsant, non sans excès, l'action Tesla à des sommets boursiers. La société, qui célébrera en 2023 ses vingt ans d’existence, est aujourd’hui la première capitalisation du secteur, au sixième rang mondial toutes entreprises confondues.
Ce succès doit bien sûr beaucoup à sa capacité d’imposer des véhicules électriques luxueux. Mais pas seulement. Les investisseurs misent aussi sur sa promesse d’embarquer des solutions logicielles évolutives. Connectées, ces voitures deviendront-elles autonomes ? Elles sont déjà communicantes, ce qui permet de multiplier les sources futures de revenus. Les acteurs de la tech – Apple, Amazon, Google et bien d’autres – affûtent leurs futures offres.
Mais la liste est longue : assureurs (suivi en temps réel des conditions de conduite), villes (valorisation de droits d’accès et d’usage) et gestionnaires d’infrastructures sont en embuscade. Ces bouleversements vont redistribuer les cartes.
L’usage plus que la propriété
Plus sûres, plus propres, mais plus chères (+7.000 euros en dix ans, selon les calculs de l’Argus), les voitures seront de moins en moins détenues en direct par les particuliers. L'usage, plus que la propriété, va se développer. En France, à 43,1%, jamais la part des particuliers sur le marché du neuf n’a été aussi faible (66% en 2009).
Avec, pour corollaire, un profil de plus en plus âgé pour les acquéreurs (plus de 55 ans en moyenne, tandis que les moins de 35 ans ne représentent que 13% des acheteurs).
En conséquence, les offres d’autopartage et de location – de courte ou longue durée – se multiplient. Les banques cherchent à y jouer un rôle sans y faire de la figuration (lire ci-dessous). La Société Générale, à l’initiative du rachat du premier loueur européen, y voit même l’émergence d’un nouveau métier.
Les constructeurs s'ingénient à rester dans la course
Les prétendants sont nombreux pour capter la valeur ajoutée de l’automobile du futur.
Un chiffre résume à lui seul l’ampleur des moyens et des investissements pour rester dans la course : plus de 30 milliards d’euros. C’est en effet l’enveloppe que prévoit de consacrer Stellantis à l’électrification et au déploiement de nouvelles solutions logicielles pour ses véhicules d’ici 2025.
Un tel effort n’a rien d’isolé. En fait, tous les constructeurs sont engagés aujourd’hui dans la course à l’électrification de leur gamme – le groupe Renault vient d’ailleurs d’annoncer la semaine dernière qu’il revoyait ses ambitions à la hausse avec un objectif de 100% de voitures électrique en 2030 en Europe. Tous doivent accroître considérablement leurs efforts pour préparer la voiture de demain, au risque de disparaître.
Mais de quelle automobile parle-t-on ? Le mur d’investissements vers la voiture non thermique n’est pas encore franchi que déjà se profilent les nouveaux enjeux de la voiture connectée, voire autonome, vecteurs de nouveaux services. La grande crainte des constructeurs ? Être renvoyés au statut de simples façonniers, d’assembleurs, laissant s’échapper la valeur ajoutée embarquée dans les véhicules que, jusqu’à présent, ils concevaient, fabriquaient et commercialisaient. Ce qui pèserait sur leur rentabilité et leur capacité d’investissement. Une vraie spirale infernale.
Les prétendants à la captation de la valeur ajoutée de l’automobile connectée sont nombreux. À commencer par les équipementiers, déjà sur le pont. Côté français, Faurecia développe son offre de cockpit du futur grâce au rachat du japonais Clarion, aujourd’hui intégré dans son périmètre. Valeo ne cache pas ses espoirs dans le marché des capteurs et des radars laser (Lidar). Ses propres solutions sont prometteuses.
Stellantis s'allie à Amazon
Mais, les vrais nouveaux entrants, avérés ou redoutés, viennent de l’électronique grand public (Sony, Samsung) ou de la Silicon Valley. Au salon CES de Las Vegas, le Japonais a dévoilé début janvier la Sony Vision-S 02, son concept-car de SUV électrique. «Nous sommes parfaitement positionnés pour participer à cette redéfinition de la mobilité», prévient Kenichiro Yoshida, le directeur général du groupe.
Amazon veut aussi sa part du gâteau. Le groupe de Jeff Bezos a, au même moment, dévoilé un accord avec Stellantis : le système d’exploitation du groupe de commerce en ligne sera embarqué dans les cockpits intelligents, tandis que les flux de données provenant des voitures connectées seront hébergés sur ses serveurs.
Stellantis, qui vise 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires supplémentaires d’ici 2030 en tant que «tech company», avance sur de nombreux fronts : «34 millions de voitures connectées monétisables sont attendues d’ici 2030. La majorité de tous les nouveaux véhicules devant pouvoir être mis à jour à distance (over-the-air) d’ici 2024», explique l’ex-PSA/Fiat Chrysler. Renault de son côté travaille avec Alphabet, l’ex-Google.
En attendant l'Apple car...
Mais le véritable croque-mitaine du secteur est… Apple. Voilà des années que le groupe réfléchit à la voiture. Sans avoir franchi le pas jusqu’ici. «Apple est attiré par les marchés où la combinaison entre matériel, logiciels et services, crée une meilleure expérience», rappelait Tim Cook lors d'une conférence en 2020. Et en ce début 2022, les rumeurs repartent de plus belle sur une offensive prochaine.
Pour nombre d’analystes financiers, dont certains prennent le pari d’une offre d'ici deux ans, raisonner à taille constante n’a pas de sens : lorsqu’Apple se lance sur un marché, il en révolutionne le potentiel et les équilibres. La mobilité pourrait bien être sa nouvelle frontière.
Dès lors, faudrait-il bouder les constructeurs aux cours actuels ? Sûrement pas. Après trois années commerciales difficiles, 2022 va marquer une reprise de leurs ventes – et donc de leurs comptes – grâce à la réduction des pénuries sur les composants. En tant que valeurs cycliques, leurs actions profiteront de ce regain conjoncturel.
Achetez Stellantis [STLA]. Objectif : 21 euros.
Profil : dynamique.
Achetez Renault [RNO]. Objectif : 40 euros.
Profil : spéculatif.
Achetez Faurecia [EO]. Objectif : 57 euros.
Profil : dynamique.
Les banques à l’assaut d’un nouveau métier alliant croissance et récurrence des résultats
Société Générale Un statut de géant de la location avec ALD
«Cette opération, ça fait cinq ans qu’on l’a dans la ligne de mire.» Pour Frédéric Oudéa, directeur général de la Société Générale, l’acquisition de Leaseplan par sa filiale ALD Automotive a la saveur de la mission accomplie. Et un goût de revanche.
Depuis sa cotation en 2017, à un cours de 14,30 euros, ALD n’avait guère eu l’occasion de briller en Bourse. À l’époque, l’introduction sur le marché parisien de ce spécialiste de la location longue durée et de la gestion de flotte visait deux objectifs. Il s’agissait à la fois de permettre à la Société Générale de cristalliser l’essentiel de la valeur créée sur cette filiale contrôlée depuis les années 1990 – de quoi améliorer sa propre solvabilité – et de se doter des moyens, grâce à la monnaie d’échange des titres d’une société cotée, de réaliser une acquisition transformante. Las, jusqu’ici seules des acquisitions de taille modeste – jusqu’à 20.000 véhicules – avaient été réalisées. Toujours en numéraire.
ALD change de dimension avec le rachat de Leaseplan, annoncé début janvier, pour 4,9 milliards d’euros dans une opération combinant cash (2 milliards) et titres (2,9 milliards). La société, pensionnaire du SBF 120, va plus que doubler de taille en rajoutant à son périmètre 1,8 million de voitures supplémentaires, pour atteindre pro forma un portefeuille de 3,5 millions d’unités et un résultat net de 1,5 milliard.
L’opération, réalisée auprès de fonds d’investissements qui détiendront 30,75% du capital et seront liés par un engagement de conservation de 12 à 36 mois, devrait aboutir d’ici la fin de l’année. ALD aura besoin de réaliser une augmentation de capital de 1,3 milliard d’euros, avec maintien du droit préférentiel de souscription, également en fin d’année.
Leviers de rentabilité
Le nouvel ensemble disposera d’importants leviers pour améliorer sa profitabilité, à la fois opérationnelle et financière. ALD, qui revend plus de 300.000 véhicules d’occasion par an via sa plateforme Carmarket, va démultiplier les volumes. En termes de financement, ALD affiche un «sourcing» interne auprès de Société Générale, et externe auprès d’investisseurs.
De son côté, Leaseplan peut se prévaloir d’une signature appréciée en termes de titrisation de créances et d’une marque reconnue dans la collecte de dépôts auprès des épargnants, notamment aux Pays-Bas et en Allemagne. À ce titre, le nouvel ensemble adoptera le statut de compagnie financière holding, ce qui le placera sous la supervision de la BCE. Un argument de poids auprès des investisseurs crédit.
ALD vise à partir de 2025 une croissance annualisée de 6% de sa flotte et un coefficient d’exploitation, c’est-à-dire le rapport entre les coûts et les revenus, de seulement 45% (contre 48% pour ALD actuellement et 58% pour Leaseplan). À la clé, 380 millions de synergies.
Si l’action ALD s’est appréciée de 6% depuis l’annonce et de 112 % sur son point bas de mars 2020, elle n’a toujours pas reconquis durablement son cours d’introduction. Deux raisons peuvent être avancées. Tout d’abord, environ 450 millions de coûts de restructuration vont venir peser sur les comptes en 2023 et 2024. Ensuite, les risques d’exécution ne peuvent être écartés. Si la société estime qu’elle n’aura pas d’actifs à céder au nom de la concurrence, ses rivaux ne manqueront pas de faire valoir d’autres d’arguments.
Même s’il est nécessaire de patienter trois ans pour voir ALD devenir une véritable machine à cash, distribuant jusqu’à 60% de son résultat net sous forme de dividendes, le cours actuel, autour de 13 euros, permet d'acheter ou de compléter sans grand risque sa position en portefeuille. ALD s’échange 8,4 fois le résultat net escompté cette année.
Quant à la Société Générale, l’opération aura une influence sensible sur ses comptes, avec une hausse espérée de 0,8 point de pourcentage sur son rendement des fonds propres tangibles en 2024 (10,4% au 30 septembre dernier). La capacité de la banque à améliorer durablement son retour financier, et à garantir aux actionnaires des résultats plus résilients, est un sésame indispensable pour la poursuite de la réduction de sa décote boursière, toujours excessive.
Achetez ALD [ALD]. Objectif : 16 euros.
Profil : dynamique.
Achetez Société Générale [GLE]. Objectif : 41 euros.
Profil : spéculatif.
Crédit Agricole vise un million de voitures louées avec Stellantis
La banque veut combler son retard en matière de leasing automobile. Elle devient le partenaire exclusif du géant américano-européen en matière de location longue durée dans tous les pays du Vieux Continent.
Une nouvelle société commune, basée en France, sera constituée dans l’année pour être opérationnelle en 2023. Elle donnera lieu au rapprochement entre Leasys (314.000 véhicules), la filiale dédiée de FCA Bank, jusqu’ici filiale commune entre Crédit Agricole et l’ex-Fiat-Chrysler, et Free 2 Move Leasing (369 000), la propre filiale de Stellantis. Elle sera présidée par le Crédit Agricole, tandis que son directeur général sera issu du constructeur présidé par Carlos Tavares. L’ambition ? Un million de véhicules loués en 2026.
Le nouvel ensemble se hissera d’emblée dans le top 5 européen de la location longue durée. Il restera toutefois loin derrière ALD (Société Générale) et Arval, la filiale détenue à 100% par BNP Paribas.
Un horizon de moyen terme
Avec cette offensive, Crédit Agricole prend date. La démarche ne contribuera sans doute pas, à court terme, à l’amélioration de sa profitabilité. Car ce que la banque gagne avec la location longue durée, elle va le perdre sur le terrain du financement automobile classique. Stellantis a en effet décidé de confier le financement traditionnel à BNP Paribas et Santander en répartissant les pays européens entre les deux groupes bancaires.
Mais, pour le moyen terme, Crédit Agricole disposera avec FCA Bank – qu’elle va détenir en totalité – d’une plateforme «captive», efficace pour séduire d’autres constructeurs – en marque blanche ou via des coentreprises –, des loueurs et des concessionnaires. Le récent investissement de 100 millions d’euros de Crédit Agricole Consumer Finance dans Cosmobilis – qui détient Bymycar, le premier groupe français de distribution automobile en Europe, l’auto-école en ligne En voiture Simone et la marque de VTC Marcel – témoigne de la volonté d’une offensive de longue haleine sur tout le spectre de la mobilité automobile.
Achetez. [ACA] Objectif : 15,50 euros.
Profil : prudent.
Les autres véhicules boursiers pour jouer la mobilité sur la cote parisienne
De la location de courte durée à la vente d’occasions, en ligne ou via un intermédiaire, plusieurs sociétés cotées à Paris permettent de jouer les services automobiles ou de mobilité. Mais il est nécessaire d’être sélectif.
Aramis
Introduite à la Bourse de Paris en juin 2021, la société a jusqu’ici déçu avec un plongeon de 39%. Ce spécialiste de la vente sur Internet de véhicules d’occasion a levé 250 millions d’euros. Ce qui lui donne les moyens et la visibilité pour accroître ses investissements – notamment l’ouverture de centres de reconditionnement –, sa notoriété et mettre en place de nouveaux services, comme la livraison à domicile du véhicule acheté.
Les investisseurs s’inquiètent des conséquences de la désorganisation du marché du neuf sur son approvisionnement, et de l’avenir de Stellantis dans son capital. À 61 fois le flux de trésorerie 2023, la valorisation élevée reflète une dimension spéculative évidente.
Achetez. [ARAMI]
Europcar Mobility
Éprouvé par le choc économique consécutif à la crise sanitaire, le numéro un européen de la location de courte durée, dirigé par Caroline Parot, n’a dû son salut qu’à une restructuration massive de son bilan, très dilutive pour les actionnaires.
Devenus majoritaires suite à la conversion de leurs créances, des fonds ont convaincu le conseil d’administration d’accepter l'offre de rachat de Volkswagen d'un montant de 2,5 milliards d'euros, soit 0,50 euro par action. Ouverte depuis novembre, l’opération est toujours en cours.
Vendez. [EUCAR]
Toosla
Cotée avec succès depuis fin 2021 (+10%), la société développe une application de location courte durée. Elle joue la carte du service (transparence de l’offre, services de confort, abonnements, etc.) et mise sur une grande disponibilité de sa flotte, qu’elle espère porter à 6.000 véhicules d’ici 2025. Son ambition : déployer sa solution dans seize villes européennes. En cas de succès, l’effet de levier sur la rentabilité sera important.
Achetez à titre spéculatif. [ALTOO]
Ucar
Ce loueur de courte durée dirigé par Jean-Claude Puerto a souffert de la crise sanitaire, avec des comptes tombés dans le rouge en 2020. La stratégie de proximité (pas de présence en gare ou dans les aéroports) lui offre davantage de réactivité. Ucar explore les solutions d’autopartage. Pour jouer le retournement.
Achetez à titre spéculatif. [ALUCR]
L’Agence automobilière
Cotée depuis l’automne dernier sur Euronext Access, l’ex-Marché Libre, la société créée par Christophe Winkelmuller se positionne en tant que franchiseur indépendant dans la vente de véhicules d’occasion entre particuliers.
Son ambition : mailler le territoire (102 agences actuellement). Attention à la très faible liquidité du titre, ce qui l’écarte de nos critères de sélection. La société a le projet de transférer ses titres sur Euronext Growth dès que possible.
Attendez. [ALAA]
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