
Les millions d'euros de primes attribuées aux dirigeants du groupe automobile Stellantis, propriétaire de Peugeot, Citroën, ou encore Fiat sont contestés par des actionnaires, des syndicats et même par des responsables politiques, à dix jours du second tour de la présidentielle. Le salaire de Carlos Tavares, qui doit toucher 19 millions d'euros pour ses résultats obtenus en 2021 à la tête du groupe, est l'un des plus élevés de l'automobile mondiale, mais aussi de l'économie française.
Le patron du groupe Carlos Tavares doit toucher 19 millions d'euros pour 2021
Les performances de l'année 2021 ayant été exceptionnelles, le directeur général, Carlos Tavares, devrait toucher à terme un total de 19 millions d'euros pour l'année passée. À côté d'un salaire fixe de 2 millions d'euros, la part variable constitue la majorité (89%) de sa rémunération.
Réunis en assemblée générale virtuelle, une majorité d'actionnaires de Stellantis a voté, à titre consultatif, contre la politique salariale du constructeur, qui rémunère ses dirigeants selon leur performance. Ils l'avaient approuvée début 2021 à la naissance du groupe, issu de la fusion de Peugeot-Citroën-Opel (PSA) et Fiat-Chrysler.
Un salaire "moins choquant que pour d'autres" estime Marine Le Pen, "excessif" pour Bruno Le Maire
"C'est choquant, mais moins choquant que pour d'autres", a commenté mercredi Marine Le Pen. La candidate du RN à la présidentielle a estimé que "pour une fois, il a obtenu de bons résultats".
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a été beaucoup plus sévère : "Cette rémunération est excessive et ça pose la question de la rémunération des grands dirigeants d'entreprises", a-t-il réagi sur France 5. L'Etat est actionnaire de Stellantis à hauteur d'environ 6%, via la Banque publique d'investissement Bpifrance. Bruno Le Maire a aussi plaidé pour que le sujet de l'"écart salarial" entre les dirigeants d'une entreprise et les salariés soit discuté "au niveau européen".
Dans un contexte très compliqué pour l'industrie automobile, Stellantis a dégagé en 2021 un bénéfice net de 13,4 milliards d'euros, presque triplé par rapport à 2020. Le groupe franco-italo-américain est domicilié fiscalement aux Pays-Bas.
Une rémunération qui passe mal pour les syndicats et les salariés
Selon la CFDT, cette rémunération a "du mal à passer auprès des salariés à qui on demande tous les jours des efforts de compétitivité". À l'issue des négociations salariales annuelles, la direction de Stellantis n'avait pas proposé d'augmentation générale pour ses salariés français, mais une moyenne de +3,2% (+2,8% pour les ouvriers) et une prime d'intéressement et de participation de 4.000 euros brut minimum par salarié. "Il est urgent que nos politiques prennent enfin de véritables mesures sur le plafonnement des salaires de nos dirigeants", a souligné Christine Virassamy, déléguée syndicale centrale CFDT.
"L'écart ne cesse d'augmenter entre les plus bas salaires et les plus hauts salaires", selon Franck Don, secrétaire général de la CFTC chez Stellantis, qui pointe un phénomène "très inquiétant". "Tavares est un très bon capitaine d'industrie mais à un moment donné il faut rester dans le raisonnable", juge le syndicaliste.
Un salaire très contesté par certains actionnaires du groupe
La société de gestion PhiTrust, actionnaire minoritaire de Stellantis, a annoncé mardi avoir voté contre la rémunération de Carlos Tavares. Elle l'évalue à 66 millions d'euros pour l'année 2021, si d'ambitieux objectifs de long terme sont atteints à leur maximum en 2028. Cette rémunération "est-elle justifiée socialement alors que le groupe va devoir probablement faire face à des restructurations massives avec des suppressions d'emplois à la clé, compte tenu de ses surcapacités de production?" s'interroge PhiTrust dans un communiqué. A l'issue du vote, elle a jugé "souhaitable" que le conseil d'administration du groupe "prenne en compte" ce vote négatif "en revoyant la politique de rémunération des dirigeants".
Le président de Stellantis, John Elkann, a souligné lors de l'assemblée générale que c'était une "conviction du conseil d'administration" d'opter pour la "méritocratie" et "de récompenser les performances". Le groupe a souligné que les chiffres de Phitrust étaient "faux" et que les bonus ne seraient notamment versés que si la valeur de l'action doublait d'ici 2028.
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