C'est une idée singulière que d'offrir la possibilité de transformer lourdement une voiture thermique âgée pour la passer au tout-électrique.
Faire du neuf avec du vieux, voilà la dernière trouvaille automobile, adoubée par le ministère de la Transition écologique. L'arrêté était attendu depuis longtemps, au prétexte que la France était la moins permissive en Europe dans ce domaine. Car la transformation d'une voiture d'occasion, qui consiste à déposer son moteur thermique pour le remplacer par un moteur électrique, semble très simple a priori et vogue sur la vague écologique en vigueur. Que rêver de mieux, en effet, que de répudier un diesel sale et crachotant pour le remplacer par un moteur électrique silencieux et neutre en émissions, possibilité offerte déjà par nos voisins mais refusée jusqu'à présent dans l'Hexagone ?
Un arrêté ministériel fixant le cadre réglementaire pour la conversion en électriques des véhicules thermiques change tout cela depuis quelques jours et réjouit les ateliers qui se sont déjà lancés dans cette activité. Il a été publié au Journal officiel le 3 avril 2020, avec une entrée en vigueur dès le lendemain en offrant un cadre légal à une modification technique profonde d'un véhicule. Mais, dans cette affaire, il y a du pour et du contre, et on aurait tort de s'emballer.
LE POUR
Prolongation de vie. L'idée est, sur le papier, séduisante. Avec elle, la guimbarde bientôt obsolète qui sommeille dans votre garage en raison des restrictions d'accès aux centres-villes pourrait retrouver une seconde jeunesse. Avec, à la clé, un « droit de cité » inattendu puisque sa nouvelle traction électrique et ses batteries feront de vous une persona grata qui passera haut la main les contrôles d'accès aux centres urbains.
Pour quels véhicules ? Le but du législateur est d'étendre à marche forcée le parc automobile électrique. Un bon sentiment, car les modèles neufs ou récents restent, en dépit des aides à l'achat, chers. C'est la raison pour laquelle la conversion qui vise les véhicules à moteur thermique (essence, diesel, GPL) de 5 ans et plus, disposant de quatre roues au moins, revêt une dimension stratégique. Là-dedans, on retrouve pêle-mêle les catégories M pour le transport des passagers (voitures particulières, minibus, autobus, y compris les modèles articulés, autocars, etc.) et N pour le transport de marchandises (utilitaires légers, camions de tous tonnages), toujours de plus de 5 ans à la date de la conversion. En revanche, les véhicules immatriculés en collection devraient repasser en carte grise normale pour être modifiés.

Les engins légers inclus. Si, les engins agricoles sont exclus du dispositif, ce n'est pas le cas des engins légers de la catégorie L (véhicules motorisés à 2, 3 ou 4 roues : cyclomoteurs, motos avec ou sans side-car, quadricycles divers comme les voitures sans permis, etc.). Leur délai de conversion est même ramené à trois ans.
Transformation encadrée. Si vous songiez à occuper votre confinement ou vos week-ends à modifier votre R4 ou votre 2 CV dans le fond du garage, oubliez tout de suite. La procédure, détaillée dans l'arrêté, reste stricte même si le texte prévoit la possibilité d'adopter une batterie standard ou… une pile à hydrogène. On reste surpris devant cette dernière possibilité hautement technologique qui traduit la méconnaissance de nos fonctionnaires en la matière.
Dans tous les cas, la chaîne de responsabilités en cascade de la transformation pose question. Il faut au préalable qu'un fabricant de kits mette au point son système. Ensuite, il nomme un réseau d'installateurs, dont l'agrément qu'il leur accorde est valable deux ans. Ils ne peut utiliser que le kit, certifié non par l'État mais par le fournisseur lui-même.
Traçabilité. Toutes les pièces du kit sont identifiées par un marquage. Il permettra de remonter, si nécessaire, jusqu'au fournisseur. Le véhicule converti reçoit alors un « agrément prototype » délivré par le Centre national de réception des véhicules, qui va être la seule instance technique officielle à vérifier la qualité finale de la réalisation. Si elle est admise, la voiture sera identifiée par une plaque de transformation juxtaposée à celle du constructeur. Elle recense les différentes informations ayant trait à la conversion. La délivrance par le fournisseur de kit d'un certificat de conformité permettra ensuite au propriétaire du véhicule d'obtenir auprès de la préfecture un certificat d'immatriculation modifié en conséquence.
LE CONTRE
Homologation à titre isolé. Le législateur a voulu s'entourer de garanties et veut suivre l'expérience avec une remontée d'informations sur les incidents ou accidents qui pourraient survenir durant deux ans. Cette précaution permettrait, à la lumière de l'expérience, de modifier l'arrêté actuel. Seul gros problème, ce retour d'informations et l'autorité qui le gère sont du ressort du directeur général de l'énergie et du climat. Rien à voir, donc, avec le ministère des Transports et la rigueur de ses services même si toute transformation apportée à un véhicule devra être visée par les laboratoires de l'UTAC. Comme si on avait voulu minimiser le rôle des techniciens pour laisser agir à leur guise les idéologues de l'écologie. Les véhicules convertis le sont, rappelons-le, en tant que "prototype", terme qui n'évoque en rien une petite série.
Sécurité en jeu. Comment, dans ces conditions, considérer comme sérieuse une conversion dont la partie majeure relève moins du moteur que des lourdes batteries ? Où et comment celles-ci seront-elles fixées dans le véhicule et comment se comporteront-elles en cas de choc violent lors d'un accident ? Les pompiers et services de secours savent très bien qu'on n'intervient pas de la même façon sur un véhicule électrique, notamment pour la désincarcération. Couper des tôles froissées requiert dans ce cas des précautions particulières pour éviter tout risque d'électrocution avec des batteries dégradées après une collision. De plus, aucun crash-test n'est requis puisqu'il serait économiquement insupportable pour la filière de transformation, à caractère semi-artisanal. Mais ce serait pertinent vu l'importance des transformations subies par le véhicule.
Performances et autonomie. Afin de limiter l'impact technique sur le véhicule d'origine, le législateur a prévu de ne pas dépasser en électrique la puissance fournie par le moteur thermique d'origine. Une sage décision mais rien n'est indiqué pour le couple dont on sait qu'il est très important en électrique. Le poids est aussi limité avec, par rapport au véhicule initial, une tolérance à vide de 20 % en plus ou en moins et de 10 % en charge. La répartition des masses entre les essieux ne pourra pas différer de plus de 10 % par rapport au véhicule d'origine. Le but est de conserver le châssis d'origine, sans modification notamment des suspensions.
Par conséquent, cela limite le nombre de batteries et, du coup, l'autonomie à une centaine de kilomètres et la vitesse, à 110 km/h. La boîte est conservée pour simplifier la transformation, un inconvénient alors qu'une voiture électrique se signale par son absence de levier à manipuler. De cette façon, il est possible de démarrer en troisième, grâce au couple, mais en aucun cas avec la vivacité d'une électrique à convertisseur. À moins d'être un militant de l'électrique, beaucoup vont regretter de n'avoir pas tout simplement remplacé, à bien meilleur compte, leur moteur thermique à bout de souffle. Ou tout simplement opté pour une excellente voiture électrique d'occasion, validée de A à Z par un constructeur patenté, alors qu'elles sont désormais abondantes sur le marché.
Prix exorbitant. Sans les aides d'État à la voiture électrique, une telle transformation n'est pas viable. Mais on ne sait pas encore de quel montant elle sera pour une « voiture rétrofitée ». De 6 000 euros pour une voiture neuve, les transformateurs espèrent 5 000 euros pour une occasion transformée. Ce qui paraît très optimiste sur un véhicule de plus de 5 ans. Il leur faut pourtant cela pour être compétitifs, car la transformation vaut, chez Transition One, l'un des premiers spécialistes du rétrofit, de 10 000 à 12 000 euros bonus non déduit pour une petite urbaine genre Fiat 500, Citroën C1 ou Renault Twingo.
Chez ce transformateur, l'installation du kit ne réclamerait, selon son créateur Aymeric Libeau, que quatre heures, l'ensemble moteur-contrôleur-batteries prenant place en un seul bloc sous le capot avant. Le coût final de la voiture va ainsi dépasser de beaucoup sa valeur vénale. De quoi s'interroger sur le bien-fondé de ce marché naissant, qui ressemble à un siphonnage de subventions publiques.
Propriété industrielle. Il y a toujours une voiture autour du moteur électrique nouvellement installé et, faut-il le rappeler, elle a été développée, homologuée et garantie par un grand constructeur. Mais sa conversion, avec un jeu complet de batteries, est bien loin d'une « bidouille » pas chère.
Même si des fabricants de kits de conversion existent – ils se sont déjà, pour huit d'entre eux, regroupés dans l'association AIRe –, le simple fait de modifier une voiture peut avoir des conséquences très importantes que l'administration française refusait jusqu'à présent d'envisager. Tout juste pouvait-on convertir, en France, un moteur au GPL ou à l'E85.
Alors, au nom de l'écologie et de la dévotion bigote au tout-électrique, aurait-on le droit désormais de tout faire pourvu que ce soit sur un roulement de batteries ? Il n'est pas sûr, à ce stade, que les constructeurs dont les véhicules seront modifiés hors de leur usage prévu initialement et les assureurs le voient d'un bon œil.
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